Radio France : grévistes en baisse ?
Anne-Sophie Jacques - - 0 commentairesBataille de chiffres – classique – autour du nombre de grévistes à Radio France : alors que la directrice générale déléguée Catherine Sueur a assuré hier à l’AFP que le mouvement s’essoufflait, les syndicats engagés dans la grève – reconduite demain pour un quatorzième jour consécutif – remettent en cause les chiffres annoncés par la direction. Reste que, de leur côté, les journalistes du groupe sont peu nombreux à suivre le mouvement.
Une grève qui s’essouffle ? Hier, dans une dépêche AFP reprise notamment par Le Monde, la directrice générale déléguée de Radio France Catherine Sueur a assuré que le taux de grévistes diminuait en précisant qu’il était de 7,21 %, soit plus faible qu'au début du mouvement. En effet, à en croire un article du site Ozap, vendredi 20 mars, au deuxième jour de grève, le taux de participation était de 10,7%. Or, dans ce même article, on apprend que le lundi 23, ce taux était de 6,9%. Soit un peu moins que le taux annoncé hier par la directrice générale. Les chiffres seuls ne sauraient donc indiquer un essoufflement.
De même, ce chiffre est à prendre avec des pincettes comme l’expliquent les organisations syndicales (UNSA, SUD, le FO SNFORT, la CFDT et la CGT) qui ont appelées à la grève sur le site La Lettre Pro : "Tous les jours, [la direction] communique un nombre de grévistes en apparence très faible. Ce chiffre n’a pas grand sens car il est calculé sur l’effectif global et non sur l’effectif des salariés en service au moment du décompte". Pour la CGT Radio France, lit-on sur ce site, ce chiffre "prend également en compte les CDD, malheureusement très nombreux à Radio France, et qui ne sont pas en position de faire grève".
Ce faible taux peut également s’expliquer par un nombre très faible de journalistes qui prennent part à la grève. Selon Le Parisien, la semaine dernière, "sur les 105 journalistes que compte la rédaction de France Inter, 4 étaient en grève". En revanche, rapporte le quotidien, "le taux de grévistes chez les personnels administratifs et surtout techniques frôle les 50 %. Et il est encore plus élevé chez les techniciens titulaires qui sont à la manette. Concrètement, il suffit que les deux techniciens de la matinale du 5-7 ou les deux techniciens du 7-9 soient en grève, pour que l'on ne puisse pas retransmettre cette tranche".
Mais pourquoi les journalistes ne suivent-ils pas le mouvement ? Pour Thomas Legrand, journaliste politique de France Inter, joint par @si, leur position est claire : "Nous ne voulions pas faire grève tant que nous n’avions rien de concret sur le plan d’économies ou de suppression de postes. Pour l’instant cela ne repose que sur une crainte, une peur". Aussi préféraient-ils attendre, ajoute-t-il, le document que Mathieu Gallet doit présenter à la ministre Fleur Pellerin, selon lui demain.
De son côté, la société des journalistes (SDJ) a fait savoir, dans une lettre ouverte reprise par Le Point, que "si chacun porte un regard différent sur le mouvement social à Radio France, nous sommes tous rassemblés dans la volonté de mettre fin à ce malaise". Et d’ajouter que "l'État porte une responsabilité particulière dans la situation financière critique et qu’il doit assumer cette responsabilité s'il ne veut pas que le service public de la radio perde son identité, son indépendance, sa diversité et sa qualité."
Enfin, le syndicat national des journalistes (SNJ) de Radio France – qui a déposé un préavis pour jeudi ou vendredi – a déploré dans une tribune du Monde le rôle ambigu de l’Etat dans ce conflit. Pour le syndicat, "la tutelle affaiblit Mathieu Gallet,et à travers lui le CSA qui l’a nommé. Et ainsi, comme au bon vieux temps de la nomination des présidents de l’audiovisuel public par le pouvoir, le ministère de la communication pourrait imposer son (sa) candidat(e) pour la présidence de la télévision de service public. Alors que le duel continue ! Et tant pis pour l’indépendance. Tant pis pour Radio France".
L'occasion de relire notre article (avec bande-son) sur l'AG mouvementée entre Mathieu Gallet et les grévistes et notre brève sur un document sonore diffusé par des grévistes et commenté par deux sociologues du travail.