Races, suicide : extension du domaine du zemmourisme

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Deux coups de gueule, en ce long week-end pluvieux.

Deux coups de gueule poussés par deux intellectuelles cotées, dans les colonnes de deux journaux "de qualité", ayant tous deux la prétention de contribuer à l'animation du débat démocratique, comme on dit. Nancy Huston, écrivain, nous apprend dans Le Monde (tribune cosignée avec Michel Raymond) que "sexes et races sont deux réalités", Marcella Iacub, juriste, s'attaque dans Libération au phénomène du suicide au travail.


Huston pense que les races existent.Dans la lignée de l'école Zemmour, elle convoque la simple évidence: il y a des Noirs, des Blancs, des Jaunes, il suffit de regarder autour de soi. D'ailleurs, les Inuits sont adaptés au froid, et les sherpas à la vie en altitude. Iacub, elle, considère que le suicide au travail ne devrait pas exister. Se suicider pour protester contre ses conditions de travail, c'est lâche. Ce n'est pas progressiste du tout (Iacub est progressiste). Le salarié qui souffre au travail pourrait tout de même "changer d'emploi", ou "envisager des combats collectifs". Et même si ça existe, les journalistes ne devraient pas en parler, ne devraient pas y consacrer de longs dossiers, parce que c'est du chantage, une prise d'otages, et qu'on ne cède pas aux prises d'otages, sauf à se faire "complices ou commanditaires" de ces "actes terroristes".

Huston et Iacub ont évidemment le droit de penser ce qu'elles pensent. Toutes les opinions sont légitimes, et le débat sur l'existence de races humaines est d'une complexité scientifique qui devrait dissuader de toute excommunication "a-priori". Mais ce qui est frappant, à la lecture de leurs textes, c'est qu'aucune des deux ne prend la peine de convoquer des statistiques ou des travaux de recherche. Les races existent, parce que c'est évident, parce qu'il y a "neuf sous-espèces de girafes, et quatre de chimpanzés". Le suicide au travail ne devrait pas exister, il n'existe donc pas. Et il se trouve des journaux pour publier ces micro-trottoirs dans leurs pages "débats d'idées", sans leur demander d'étayer, d'étoffer, d'argumenter un minimum. Parce que c'est Huston, parce que c'est Iacub. Parce qu'elles ont une sorte de droit imprescriptible au brisage de tabous, comme un enfant casse ses jouets. Comme si le sarko-zemmourisme était maintenant l'unité de mesure indépassable du débat idéologique.

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