Quand Le Figaro honore (lourdement) Dassault
La rédaction - - 0 commentairesHier, au ministère de la Culture, plusieurs donateurs, particuliers ou industriels, se sont vu décerner la médaille de Grand Donateur et Grand mécène. Une distinction relayée par Le Figaro, dans deux colonnes élogieuses, qui accordaient une place de choix au "philanthrope capitaine d'industrie" Serge Dassault, sénateur UMP, esprit généreux. Et propriétaire du Figaro.
Belle brochette de "philanthropes" hier au ministère de la Culture... et bel article aujourd'hui dans Le Figaro. Le quotidien consacre deux colonnes à la cérémonie, où Frédéric Mitterrand a célébré ceux qui "ont apporté une contribution éminente au développement culturel de la France" (dixit le ministère). A la tête des distingués récipiendaires, on trouve, quel hasard, Serge Dassault, industriel, "philanthrope" et propriétaire du Figaro.
Un article tout en clichés à la gloire du mécénat privé. La cérémonie est qualifiée de "moment rare", ponctué par "une chaleureuse séance de photos" et clôturé "joyeusement" par le doyen des sénateurs. Youkaïdi youkaïda. Les mécènes, quant à eux, sont un "soutien actif" et faisaient hier figure de "valeureux invités" du ministre de la Culture. Et pour cause, comme le souligne la journaliste, "la générosité en faveur du bien commun a du sens dans ce domaine aussi". Les motifs qui poussent ces philanthropes a tant de générosité ? "Amour de l'art et du bien commun, sens de l'intérêt général." Cela va sans dire, un tel altruisme "méritait bien d'être célébré, qui plus est dans le climat actuel de difficultés économiques". Mais l'acmé de l'article se situe sans doute dans les deux paragraphes consacrés à Serge et Nicole Dassault (quand les autres mécènes distingués n'ont droit qu'à un paragraphe chacun...). Les Dassault, "familiers des évènements caritatifs, sont sur tous les fronts". Ainsi, "le philanthrope capitaine d'industrie a financé personnellement la restauration de deux églises et contribué à l'édification d'une mosquée". La plus élémentaire des politesses était bien d'offrir la photo de l'article au couple |
Un bel éloge, qui ne s'attarde pas trop sur le rôle de Dassault, propriétaire du Figaro. L'article glisse simplement, en faisant la liste des invités, qu'était présent le "directeur général du Figaro (dont le groupe Dassault est actionnaire)". Devant cet article très poli, empli de bruyantes félicitations et de belles envolées humanistes, le lecteur est en tout cas en droit de se demander si sa rédactrice n'a pas souhaité qu'il soit lu au second degré.
Bien s'entendre avec Dassault, et le traiter avec égard, est obligatoire pour les dirigeants du Figaro. C'est Joseph Macé-Scaron qui le détaillait dans un D@ns le texte consacré aux milliardaires de la presse...
(Noëmie Le Goff)