Pourquoi il faut publier les photos des terroristes (The Guardian)

Robin Andraca - - Médias traditionnels - 0 commentaires

Cesser de montrer le visage des terroristes, comme prévoient de le faire Le Monde ou BFM, une mauvaise idée ? C'est l'avis de l'un des plus célèbres chroniqueurs médias du Guardian, Roy Greenslade, persuadé que l'autocensure n'est pas une solution.

The Guardian, 01/08/2016

"Je comprends l'émotion, mais je ne suis absolument pas convaincu par les arguments." Dans une chronique publiée lundi 1er août sur le site du Guardian, Roy Greenslade, chroniqueur médias au Guardian depuis 1992, revient sur la décision prise par plusieurs grands médias français la semaine dernière de ne plus montrer le visage des terroristes. "Pour éviter d'éventuels effets de glorification posthume", avançait par exemple Le Monde (qui est depuis revenu sur sa position), reprenant les arguments du psychanalyste Fethi Benslama qui estime qu'en anonymisant les terroristes, "on casserait une partie de leur motivation."

Mauvaise idée selon Greenslade. "Dans de tels moments, la rétention d'informations a de fortes chances d'alimenter des rumeurs infondées. Et ces rumeurs vont, à leur tour, alimenter la peur, et peuvent conduire à des représailles inappropriées, de la part de groupes d'autodéfense." Montrer ou ne pas montrer ? Pour le chroniqueur, les journalistes sont perdants dans les deux cas. "Ces deux réponses apportées aux terroristes leur conviennent. Elles divisent la société. Elles provoquent des décisions politiques réactionnaires. Et l'autoritarisme augmente la probabilité pour les terroristes d'attirer de nouvelles recrues."

Ne reste donc plus, selon lui, qu'une chose à faire pour les journalistes : leur travail. "Les photos des auteurs de ces crimes innommables ne glorifient pas les criminels. Elles sont simplement un élément important des données factuelles nécessaires (...) Il ne faut pas censurer ce que l'on publie. Dans l'intérêt supérieur de la société, les gens doivent savoir ce qu'il s'est passé, et qui est responsable." Le chroniqueur du Guardian rejoint, sur ce point, le directeur de la rédaction de Libération, Laurent Joffrin qui, dans un édito publié le 28 juillet, écrivait : "Soyons réalistes: une photo publiée ou retenue ne changera rien à la stratégie de l'EI.

en 2013, Du sang à la Une de la presse britannique

Comment s'étaient comportés les médias britanniques, le 23 mai 2013, après l'assassinat à la machette d'un soldat de l'armée britannique dans le sud-est de Londres ? La même image s'était retrouvée en Une de la plupart des quotidiens du pays, dont le Guardian : l'un des deux terroristes, les mains recouvertes du sang de sa victime, l'arme du crime encore dans sa main gauche.

"Du sang sur ses mains, la haine dans ses yeux"

"Vous ne serez jamais en sécurité"

"Un soldat décapité dans une rue de Londres"

"Un soldat tué à coup de hache dans une attaque terroriste à Londres"

L'occasion de relire notre article : "Le Monde et BFMTV ne montreront plus le visage des terroristes (mais l'AFP continuera)"

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