Portes ouvertes à la propagande russe chez les agences de presse
Loris Guémart - - Intox & infaux - 34 commentairesMais Reuters a rompu son partenariat avec l'agence Tass le 23 mars
Tous les jours, l'AFP, Reuters et Associated Press (AP) proposent à leurs milliers de clients, des médias du monde entier, des photos ou vidéos issus d'agences de presse et de chaînes de télévision dont la ligne éditoriale est dictée par l'État russe. Et elles ont bien l'intention de continuer, répondent-elles unanimes à "Arrêt sur images".
Quand l'équipe de campagne d'Emmanuel Macron choisit un nombre limité de photojournalistes pour couvrir sa conférence de presse de candidature, le 17 mars, les Jours, média indépendant privé de ses photos, décide de marquer le coup en utilisant des "images aveugles"dans un article"écrit dans les volutes de fumée de nos naseaux", introduisent Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts. Ils le font aussi savoir sur Twitter.
Quand il s'agit de montrer Vladimir Poutine, les Jours n'a jusqu'à présent publié que des photos issues du travail de photojournalistes exerçant pour des agences de presse non-russes. Ce qui est moins facile qu'il n'y paraît, en particulier pour des photos prises en Russie, aucun photojournaliste indépendant du Kremlin n'ayant accès au dirigeant russe. Pourtant, Poutine est partout représenté dans les médias français… grâce à l'AFP. Si l'agence de presse est elle aussi le plus souvent privée de tout accès photographique au Kremlin, elle propose néanmoins, sur sa plateforme AFP Forum, des centaines de clichés récents de Vladimir Poutine, issus des photographes de l'agence de presse d'État russe Sputnik (ex-RIA Novosti). Des clichés tellement flatteurs, ou du moins conformes à ce qu'en attend Poutine, qu'on peine à y reconnaître un travail journalistique. Et pourtant, ils inondent les médias, qui se servent sur la plateforme de l'AFP sans jamais contextualiser l'origine des photos.
Un avertissement suffit pour l'AFP
Plus gênant que des photos de propagande de Vladimir Poutine, les légendes des clichés en provenance de Sputnik à propos de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Pardon : de "l'opération militaire", est-il écrit par Sputnik dans les légendes des photos accessibles sur AFP Forum. Leur présentation des faits épouse en effet la ligne officielle russe, jusqu'à l'absurde : si la Crimée, annexée par la force en 2014, est systématiquement décrite comme faisant partie de la Russie, le 16 mars, Sputnik présente même Marioupol, assiégée par l'armée russe, comme une ville de la "République populaire de Donetsk", d'après le nom d'une des deux enclaves séparatistes officiellement reconnues par Moscou juste avant l'entrée en guerre.