Plutonium / Loire : Canal+ fait ouvrir une enquête 35 ans après
La rédaction - - Alternatives - 0 commentairesTransparence et industrie nucléaire.
Il aura fallu 35 ans, et un Spécial Investigation de Canal+ diffusé le 4 mai dernier, pour qu'on apprenne que du plutonium a été déversé dans la Loire et qu'une enquête soit ouverte. L'épisode remonte à 1980 : un grave accident survient dans la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-eaux. Résultat ? 20 kgs d'uranium entrent en fusion. Et selon la chaîne, pour "nettoyer" la cuve une fois le problème réglé, EDF a délibérément rejeté des matières radioactives dans la Loire. Parmi ces rejets, du plutonium, métal "radioactif et toxique" auquel il faut "24 000 ans pour perdre la moitié de sa radioactivité", rappelle l'AFP.
Mais comment la chaîne peut-elle révéler aujourd'hui une information cachée pendant 35 ans ? Les journalistes de Special Investigation ont eu accès à un document interne, donné par un technicien de la centrale. Surtout, le rejet illégal de plutonium est confirmé... par l'ancien patron d'EDF, Marcel Boiteux, interrogé dans le documentaire. "Ce n'est tout de même pas grand-chose, assure toutefois celui qui est aujourd'hui l'actuel président d'honneur d'EDF au journaliste de Canal+, avant de se lancer dans une comparaison bancale. Oui, bien sûr, ce n'est pas bien, mais ce n'est pas grave.C'est illégal de tuer son voisin quand vous êtes en voiture et que vous rencontrez la voiture d'en face et que vous tenez mal votre volant. En cas d'accident, il se passe des choses illégales, quand on est conscient." Pour lui, il s'agissait même à l'époque "d'être responsable" pour éviter une panique de la population à cause du plutonium.
L'Autorité de sûreté nucléaire au courant ?
Suite à la diffusion du documentaire, le député Europe Ecologie Les Verts Denis Baupin a écrit à la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, pour demander une enquête. L'association anti-nucléaire "L'Observatoire du nucléaire" avait également déposé plainte, malgré le risque de prescription des faits en cause. Dès le lendemain, mercredi 7 mai, le cabinet de Royal assurait avoir saisi "les dirigeants d'EDF" ainsi que les autorités compétentes pour diligenter une enquête, précisait La Nouvelle République. Deux mois plus tard, le parquet de Blois s'est donc officiellement saisi de l'enquête. Et il a, à son tour, saisi l'Autorité de sûreté nucléaire et l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique.
Problème : cette même Autorité de sûreté nucléaire pourrait bien être directement concernée par la dissimulation des rejets radioactifs. Selon le journaliste qui a réalisé le documentaire, Jean-Baptiste Renaud, interrogé par La Nouvelle République, le fameux document interne était destiné à la fois à EDF et à l'Autorité de sûreté nucléaire... qui était donc au courant depuis 35 ans. "C'est la motivation d'un ancien employé qui a obtenu ces documents assez récemment et qui attendait la bonne occasion pour les divulguer. Nous nous sommes rencontrés, nous nous sommes entendus et c'est sorti. Il s'agit d'un rapport interne de la centrale, qui n'est pas public, et qui est à destination d'EDF et de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN)", assurait-il ainsi.