Planète indignés
Daniel Schneidermann - - 0 commentairesEntre deux figures de l'actualité du moment, le manifestant de pays émergent, et le lanceur d'alerte
, faut-il, pour le plaisir de la gamberge matinale, chercher des points communs, des passerelles ? Bernard Guetta s'y exerçait ce matin sur France Inter, entre les manifestants brésiliens qui protestent contre le coût du Mondial, les Turcs contre la bétonnisation d'un parc urbain, et puis aussi les Canadiens et leur "printemps érable", et les indignés de partout. Encore oubliait-il les électeurs de Grillo en Italie, et quelques autres. Points communs ? Jeunes, urbains, tertiaires, pour ne pas dire bourgeois, et surtout, extérieurs aux structures politiques traditionnelles. Et alors ? Sans doute existe-t-il des points communs entre tous ces mouvements sociaux, et sans doute chacun est-il singulier. Il faut se méfier des rapprochements trop faciles. Seul constat évident : gouvernements, partis et médias traditionnels, face à ces mouvements, sont d'abord désarmés. Les antennes de l'ancien monde ne l'avaient pas préparé à ça. Tant mieux.
Simultanément, surgissent comme des champignons les lanceurs d'alerte. Assange, Manning, Snowden, sur la divulgation de secrets politiques, ou, sur l'évasion fiscale, Falciani ou l'étrange hyper-témoin Condamin-Gerbier. Leurs points communs avec les indignés des rues de Sao Paulo ou d'Istanbul ? Peut-être aucun autre que le ressort de l'indignation, justement, qui trouve son media d'excellence sur Facebook et Twitter. Sans réseaux sociaux, pas de manifs à Istanbul et Sao Paulo. En Turquie, les Anonymous attaquent les sites du gouvernement, comme ils attaquaient hier les institutions financières qui tentaient d'étrangler Wikileaks. Guère d'autre trace de jonction pour l'instant. Guère de trace, mais tant d'indices !
Faire attention, oui, aux rapprochements éditorialisants trop tentats, et forcément trop rapides. Mais il faudrait être aveugle pour ne pas voir qu'Internet, sous nos yeux, accouche d'un monde nouveau. L'avenir de ces indignations ? Imprévisible. La finance, les Etats, trouveront peut-être des parades pour préserver leurs secrets et leur omnipotence, et peut-être pas. Le match sera au moins aussi intéressant que le Mondial 2014.