Pigasse à Libé ? Attention aux conflits d'intérêts !

Dan Israel - - 0 commentaires


Matthieu Pigasse aurait des vues sur Libération. Et ça pose un sérieux souci de conflit d'intérêts.

Vendredi 1er juin, le site PureMedias a indiqué que le banquier d'affaires, propriétaire des Inrockuptibles, co-actionnaire du Monde et du Huffington Post, "s'apprêterait" à prendre une participation dans le capital de Libé. Info confirmée samedi par Mediapart (accès payant), qui indique que "des contacts préliminaires ont eu lieu" : "Directeur de Libération, Nicolas Demorand a récemment rencontré Matthieu Pigasse pour parler avec lui de ce projet. Le souhait du banquier d’affaires serait d’adosser les Inrockuptibles à Libération, pour qu’il en devienne l’un des suppléments." Le site assure que "ce projet (...) a été confirmé de très bonnes sources".

Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'hypothèse fait grincer des dents Laurent Mauduit, le journaliste de Mediapart (spécialiste ès-conflits d'intérêts). Il pointe "une cascade de problèmes", et notamment deux éléments. D'abord, Pigasse a racheté le Monde en 2010 avec Xavier Niel et Pierre Bergé. "Comment peut-on imaginer que l’un des actionnaires de l’un des principaux quotidiens français (…) puisse songer à racheter l’un des ses principaux concurrents?, s'interroge Mauduit. Le conflit d’intérêts est patent et les risques sur le pluralisme de la presse évidents." Que Pigasse ait mis ou non "ses alliés du Monde" dans la confidence, le constat est le même : "C'est par ce genre de petites et grandes manœuvres du capitalisme de connivence français que meurt depuis trop longtemps la presse hexagonale."

Par ailleurs, l'opération, si elle se fait, serait suivie de près par l'Elysée, et notamment par son tout nouveau conseiller à la Culture, David Kessler. Kessler a dirigé France Culture, où il a rencontré Demorand, actuel dirigeant de Libé. Mais surtout, jusqu'à ce qu'il soit appelé à l'Elysée, Kessler était le dirigeant du groupe de presse de Pigasse, et directeur de la publication des Inrocks et du Huffington Post ! Mauduit pointe un mélange des genres flagrant, d'autant plus que "le groupe Le Monde et ses actionnaires profitent, plus que d’autres, de ce système de connivence et d’entente qui a abîmé la presse depuis trop longtemps". Ainsi, en 2010, le quotidien a été le journal le plus aidé par l'Etat, pour un montant total de 17 millions d'euros (14 millions pour Libé, le détail est ici).

Au passage, Mauduit signale que Pigasse n'aurait peut-être pas l'argent nécessaire pour entrer au capital (où un autre banquier d'affaires, Edouard de Rothschild, est majoritaire). Mais l'opération pourrait l'aider à sauver Les Inrocks, mal en point, rappellent Les Echos: "Malgré de lourds investissements en septembre 2010", leurs ventes baissent : "proche de 50.000 exemplaires début 2011, la diffusion individuelle payée (…) est retombée à moins de 43.000 exemplaires en mars 2012." Contactés par Les Echos, "ni Matthieu Pigasse ni Nicolas Demorand ne confirment les approches du banquier envers le quotidien. Mais ils ne démentent pas non plus".

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