Patrimoine/Bern : Lorànt Deutsch s'en prend à Mathilde Larrère

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Contre-attaque.

Samedi 16 septembre, notre chroniqueuse, l'historienne Mathilde Larrère, reprenait Emmanuel Macron et Stéphane Bern, récemment nommé "Monsieur Patrimoine" du gouvernement, sur une "mésinteprétation de l'édit" de Villers-Cotterêts. Selon les deux hommes, cet édit, signé en 1539 par François Ier, avait imposé le français comme langue unique en France. Sauf que... non, taclait Larrère sur Twitter, c'est la Révolution qui impose le français comme langue unique auprès des Français. Mais le recadrage historique, repris par de nombreux sites d'info, n'a pas été du goût de tout le monde.

En tout cas pas de celui de Lorànt Deutsch, auteur de Métronome, un ouvrage de vulgarisation historique très critiqué par certains historiens. Ce dernier s'en est pris jeudi dernier à Mathilde Larrère, sans la nommer. "On est face à des militants, assure-t-il, d'après des propos repris par Le Figaro. À propos de la polémique que subit Stéphane Bern sur sa mission patrimoine et l’affaire de Villers-Cotterêts, regardez qui lui fait des reproches, vous verrez que c’est une femme, que je ne vais pas citer pour ne pas lui faire de publicité, qui fait partie de La France insoumise."

Mathilde Larrère, membre de la France Insoumise ? Si cette dernière ne cache pas ses sympathies pour le parti de Jean-Luc Mélenchon, elle ne se revendique nullement de la France insoumise (elle a été autrefois encartée au Parti de gauche). Ce que le Figaro, qui ne cite pas une seule fois le nom de l'historienne, ne précise pas. Et qui n'a pas empêché BFMTV de titrer, reprenant l'article du quotidien : "Lorànt Deutsch agacé par les critiques de la France Insoumise sur la mission patrimoine confiée à Stéphane Bern". De son côté, Le Point, contrairement à BFMTV et au Figaro, a pris soin de présenter Mathilde Larrère.

Deutsch et son ouvrage "royaliste"

Le Figaro, justement, qui cite encore Deutsch : "Plutôt que de dire «pourquoi ils vous reprochent ça?», regardez qui font les reproches. Vous verrez qu’eux font une histoire qui fait partie d’un objectif idéologique, une histoire qui flatte et doit servir leur orientation politique. Je ne dis pas que c’est mal, ce n’est juste pas mon propos." Accolées à cette citation, Le Figaro évoque en passant les critiques du porte-parole de la France Insoumise, Alexis Corbière, à l'encontre de Deutsch lui-même et de son ouvrage Métronome, en 2012.

A l'époque, Corbière reprochait à l'acteur des erreurs historiques dans son livre. Et il n'était pas le seul : comme nous le racontions en 2012, des historiens s'en étaient pris trois ans après sa sortie à l'ouvrage de Deutsch, jugé "royaliste". Au-delà d'histoires de miracle et de pactes avec le diable racontées sans conditionnels, les détracteurs de l'ouvrage lui reprochaient des erreurs historiques. L'auteur décrivait par exemple le gothique comme "l'art des hommes du Nord [les Goths, peuple de langue germanique, ndlr]", alors que le terme vient de l'Italie du XVIè siècle et est utilisé pour décrire un art né en Ile-de-France au XIIè siècle. Il s'était également trompé sur la date de construction du Louvre, la situant sept siècles trop tôt (au Ve siècle, au lieu du XIIe siècle).

La nomination de Stéphane Bern, qui ne cache pas ses penchants royalistes, à la tête d'une mission de préservation du patrimoine, a fait grincer plusieurs historiens, à l'exemple de l'historien Nicolas Offenstadt, interviewé par L'Obs. Ce dernier dénonce un "manque de compétences" de Bern, mais aussi un discours historique réactionnaire et une transformation de l'Histoire en "histotainment" centrée sur la monarchie et les beaux châteaux, à l'image de son émission Secrets d'Histoire sur France 2.

L'occasion de (re)voir la chronique de Mathilde Larrère : Non, Macron et Bern, ce n'est pas François Ier qui a imposé le français en France ! Et de (re)lire notre enquête : Métronome : 3 ans après, le best-seller dézingué par des sites d'histoire

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