Parisiens, toussez en silence !

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Au moins, maintenant, c'est plus clair (si on ose dire).

Jusqu'à hier soir, on ne comprenait rien au refus de la préfecture de police de Paris d'instaurer la circulation alternée en cette journée de vendredi, alors que la région parisienne suffoque depuis quatre jours sous la pollution aux particules fines. La maire de Paris demandait l'instauration de la circulation alternée, les écolos parisiens renchérissaient, et la préfecture opposait un refus mutique. Heureusement, après quelques articles furibards, Ségolène Royal répondit. Plus précisément, elle twitta. Ceci.

Si l'on comprend bien la réponse royalienne, le refus gouvernemental (parce que derrière la préfecture, c'est donc bien le gouvernement qui a refusé la circulation alternée) serait une sorte de représaille contre la mairie de Paris, accusée de ne pas en faire assez (sur quoi, d'ailleurs ? Les velibs ? Les autolibs ? La voiture électrique ? Quelle ville française en fait davantage que Paris ?) Dans sa guerre contre le Parisien réfractaire au métro, la ministre ne s'en est d'ailleurs pas tenue là, re-tweetant aussi cet article qui tente de relativiser la pollution parisienne. Arrêtez donc de crier, les Parisiens. Et toussez en silence !

En filigrane dans la réponse de Royal, on peut aussi lire autre chose : l'éternel retour de la guerre des deux gauches, qui ravage le PS depuis quelques décennies, et se fonde sur deux représentations opposées -également fantasmatiques, est-il la peine de le dire ? La gauche des bobos-qui-bronzent-à-Paris-plage, et toussottent pour un rien, les chochottes, contre la gauche des prolos-des-zones-périurbaines-qui-n'ont-que-leur-voiture-pour-se-déplacer. Pour aggraver son cas, d'ailleurs, le bobo parisien ne votera pas dimanche, à la différence du banlieusard. Tousse en silence, on te dit.

Cette bellicisation du débat sur la pollution, nimbée d'une délicate couche d'anti-parisianisme, n'est pas seulement navrante, elle est aussi totalement idiote. Même si la pollution n'est illustrée dans la presse que par des photos de la tour Eiffel, les particules fines ne s'arrêtent pas aux rembardes du périphérique. Dans l'imaginaire royalien, le banlieusard prolo ne suffoque-t-il pas lui aussi ? N'a-t-il pas de poumons ? N'est-il organiquement doté que de mains pour tenir un volant ? Un dernier mot, pour ceux à qui la chose aurait échappé : Ségolène Royal est ministre de l'écologie.

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