Ouvéa : "Legorjus s'attribue le beau rôle" (Merchet)

Laure Daussy - - 0 commentaires

Philippe Legorjus, ancien patron du GIGN au moment du drame d'Ouvéa, s'est-il donné le beau rôle, dans son livre, et dans le film de Mathieu Kassovitz ? C'est ce qu'estime le journaliste de Marianne, spécialiste de l'armée Jean-Dominique Merchet, sur son blog, qui donne des témoignages d'anciens du GIGN, très critiques envers Legorjus.

Dans le livre de Legorjus, "Ouvéa, la république et la morale", on peut lire une préface écrite par Mathieu Kassovitz, intitulée "un héros". Merchet remet en cause cette image positive de l'ancien patron du GIGN.

Le journaliste fait parler, anonymement, des anciens du GIGN (cinq au total, assure-t-il à @si), qui critiquent le comportement de Legorjus lors de l'assaut final de la grotte d'Ouvéa : "Il n'a pas été à la hauteur", "Il a failli à ses obligations, "Il n'a pas été bon". Des témoins de l'époque racontent l'avoir vu "pâle", "cinquante mètres derrière". Résultat: "il habille son échec avec une posture morale".


Merchet ajoute que l'officier "a été mis au ban par une partie importante de ses hommes, par exemple dans l'avion qui les ramenait en métropole. Une situation qui le poussera à quitter le groupe et la gendarmerie seize mois plus tard, renonçant à sa carrière militaire et à son ambition d'obtenir ses étoiles de général."

Surtout, Merchet cite un extrait du livre de Legorjus, "passé inaperçu", selon lui, dans lequel l'ancien patron du GIGN raconte : "Pendant la phase de l'assaut, j'ai eu des absences dangereuses" (...) Je ne pouvais plus fixer mon attention. J'étais incapable de projeter une idée ou d'anticiper une action." Contacté par @si, il explique : "Ce pararaphe est la clé de tout". "Il n'a pas assuré au moment de l'assaut, il était censé commander ses hommes. Depuis, il porte cela comme une croix".

Contacté par @si, Legorjus réfute de son côté avoir été mis au ban du GIGN, et assure avoir gardé de très bons contacts avec les hommes du groupe de l'époque, notamment le gendarme Picon, pris en otage lui-même. Il se dit surpris de l'insistance de Merchet à souligner sa condition physique lors de l'assaut. "Je ne m'en suis jamais caché", assure-t-il, et précise avoir eu un "pneumothorax" quinze jours avant de partir à Ouvéa. Dans son livre, il explique en partie cette mauvaise condition physique par le fait que "ses actes et ses décisions" étaient "contraires" à "son éthique personnelle". Il sous-entend avoir été contraint de mener l'assaut, faute de volonté de négocier de la part du gouvernement. "Si c'était le cas, il fallait qu'il démissionne", rétorque Merchet.

A-t-il voulu tirer la couverture à lui avec le film et le livre? "Philippe Legorjus s'attribue aujourd'hui le beau rôle, dans une affaire où il n'est pas certain que quiconque en ait vraiment tenu un", estime Merchet. Legorjus, de son côté, explique que le choix de voir les evénements par ses yeux a été celui de Kassovitz , et qu'il n'a pas participé à la réalisation du film. Quant au livre qu'il a écrit, il s'agit selon lui de "comprendre les mécanismes politiques" aboutissant à l'assaut, et pas de se mettre en avant.

Dans notre précédent article, c'est un ancien preneur d'otage, Benoit Tangopi, qui remettait en cause le personnage de Legorjus : il estimait que le chef du GIGN les avait "trahis".

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