Omar et Mahomet interdits à la télé ?
Alain Korkos - - 0 commentaires
"Une série télévisée diffusée par une télévision à capitaux saoudiens sur le deuxième calife de l'islam provoque les critiques d'instances religieuses et de spectateurs qui désapprouvent la représentation figurée du prophète Mahomet et de ses compagnons", nous apprend une dépêche AFP, publiée hier par le site maghrebemergent.info.
IntituléeOmar Ibn al-Khattâb, cette série de trente et un épisodes produite par la société saoudienne MBC (lMiddle East Broadcasting Center) raconte la vie d'Omar ibn al-Khattâb, Abou Bakr As-Siddiq et Ali Ibn Abi Talib, trois des califes de Mahomet. Voilà qui ne plaît guère à certaines instances religieuses et c'est ainsi qu'avant même la diffusion de ses premiers épisodes (qui a coïncidé avec le début du ramadan), une campagne sur Facebook réclamait l'interdiction de sa diffusion.
Dans le même temps, Al-Azhar (l'académie de recherche islamique égyptienne, d'obédience sunnite) et le saoudien Dar al-Ifta (Comité permanent des recherches scientifiques et de la délivrance des fatwas) émettaient un édit réaffirmant que la représentation de Mahomet et de ses compagnons était strictement interdite.
"Mais les producteurs de la série disent avoir reçu le soutien de plusieurs dignitaires religieux qui ont également examiné la véracité des faits historiques évoqués dans la série, notamment celui de l'influent théologien égyptien cheikh Youssef Al-Qaradaoui", précise la dépêche AFP.
L'interdiction de la représentation de Mahomet et ses prophètes ne figure pas dans le Coran. Tout au plus trouve-t-on, dans la sourate XXI, une série de versets relatifs à la destruction d'idoles (voir par là les versets 53 à 69).
Ce sont des docteurs de la loi qui, bien après Mahomet, promulguèrent des textes juridiques relatifs aux images dans le but de combattre toute tentation d'idolâtrie. Ainsi Yahya ibn Sharaf al-Nawawi, célèbre imam sunnite, qui écrivit au XIIIème siècle :
"La représentation figurée des êtres vivants est rigoureusement interdite et compte parmi les péchés les plus graves, car elle est menacée du châtiment douloureux mentionné dans les hadîth. Peu importe que cette représentation soit réalisée sur des objets d’usage vil ou non, sa réalisation est, de toute façon, interdite, car elle consiste en une imitation de la création de Dieu. Peu importe qu’elle se trouve sur un tissu, un tapis, un dirham, un dinâr, un vase, un mur, etc."
Aujourd'hui, ce sont ces prescriptions qu'Al-Azhar et Dar al-Ifta entendent imposer. Sauf qu'évidemment, la chaîne MBC, qui a énormément investi dans ce projet, ne l'entend pas de cette oreille. Le 8 juillet dernier, elle déclarait au journal Egypt Independent que "cette série, la plus grosse production dramatique dans l'histoire de la télévision moderne, a été conçue pour toucher le monde entier et ses droits de diffusion ont été accordés à plusieurs réseaux de télévision, y compris le réseau turc ATV". Pas question de plier, donc.
En mai dernier, précise ce journal, c'est un projet de film iranien racontant la vie de Mahomet qui avait été condamné par les sunnites d'Al-Azhar. Et une autre série encore, basée sur la vie d'Hassan et Hussein, les petits-fils de Mahomet.
Mais "pour le critique de cinéma égyptien Tarek al-Shennawi, nous dit l'AFP, la représentation d'Omar par une société de production saoudienne est le signe d'une défaite des institutions islamiques officielles comme Al-Azhar et Dar al-Ifta en Arabie saoudite. « Beaucoup de ces institutions campent sur leurs positions, alors que d'autres ont depuis longtemps approuvé la représentation figurée »."
Liens
D'autres images sur le site de la chaîne MBC.
Le clip promotionnel de la série par là.
L'occasion de lire une précédente chronique intituléePlantu, les moghols, et les safavides, ainsi qu'un Vite dit du mois de janvier,Visage Mahomet: L'obs censuré au Maroc.