Olivier, le riche plombier LREM de France info
Tony Le Pennec - - 20 commentairesFrance info, dans un reportage radio transformé ensuite en article en ligne, interrogeait jeudi 28 novembre un plombier pro-réforme des retraites. S'il était précisé que l'homme était également chef d'entreprise et gagnait très confortablement sa vie, ses engagements pro-République en marche avaient au début été omis. Interpellé par de nombreux twittos, France info a finalement dû les ajouter sur son site.
Le plombier-chauffagiste pro-réforme des retraites de France info n'était pas un artisan "standard". Jeudi 28 novembre, la station diffusait, dans le cadre d'une série de portraits de Français face à la prochaine réforme des retraites, un sujet de 2 minutes consacré à "Olivier", un plombier parisien favorable à la réforme. Les arguments de l'artisan, souhaitant davantage de simplicité, et en finir avec un système générant des "inégalités très fortes", semblaient calqués sur les éléments de langages gouvernementaux. Et ce n'est peut-être pas un hasard : sur Twitter, de nombreux internautes ont rapidement identifié l'"Olivier" de France info : il s'agit d'Olivier Beurton, ancien cadre de grands groupes, et qui a surtout participé à plusieurs campagnes LREM.
Olivier, le plombier sorti d'HEC
Dans le titre de l'article, Olivier est simplement présenté comme un "plombier".
Mais l'homme de 58 ans est en fait un peu plus que ça. Comme précisé dans le reportage de France info, c'est un plombier-chef d'entreprise, qui emploie deux salariés. Il s'agit d'un ancien cadre d'une grande entreprise, reconverti il y a 16 ans, gagnant désormais "80 000 euros net par an".
La reconversion d'Olivier Beurton avait déjà intéressé plusieurs médias : France Culture l'avait invité en 2016 pour une émission sur le thème "Intellectuel ou manuel, pourquoi faudrait-il choisir ?"
, et Le Point l'avait interrogé, en 2016 également, pour parler reconversion dans les métiers manuels. L'article indiquait que Beurton, diplômé d'HEC, était précédemment directeur général de Pierrot Gourmand, une marque de confiserie filiale d'Andros. Loin de l'image d’Épinal du haut cadre renonçant à son confort pour un métier porteur de sens, Olivier Beurton assumait continuer de gagner "de quoi rester à l'aise dans [s]a caste". Un ex d'HEC, ex-haut cadre, et gagnant 80 000 euros par an présenté, dans le titre de France info, simplement comme plombier ? Voilà qui a inspiré de facétieux twitos.
Dans une vidéo accompagnant l'article du Point, Olivier Beurton regrettait aussi que les salariés aient souvent peur de se lancer dans l'entrepreneuriat : "Des salariés qui voudraient changer de métier, et en particulier passer du salariat à l'entreprise, sont freinés par l'espèce de confort qu'il y a à être salarié. J'étais cadre supérieur dans des grands groupes, ça s'accompagne de voitures de fonction, de salaires importants, de stock options, des choses assez confortables." Une certaine idée du salariat, donc.
Un artisan engagé pour Macron
Mais Olivier Beurton, qui a eu le courage de renoncer à ses stock options pour le risque d'une vie d'entrepreneur à 80 000 euros net par an, n'est pas seulement un plombier particulièrement bien loti. Il est aussi -et il n'en est pas question dans le sujet radio de France info-, adhérent de La république en marche. LREM étant un mouvement, et non un parti, "adhérent" veut simplement dire qu'il s'est inscrit, gratuitement, sur une sorte de newsletter. Toutefois, Beurton est allé plus loin dans son soutien au mouvement d'Emmanuel Macron. Comme plusieurs personnes l'ont repéré sur Twitter, on le retrouve, en 2017, sur des photos de tractage pour la candidate LREM (victorieuse) dans les Hauts-de-Seine, Laurianne Rossi.
Contacté par Arrêt sur images, Beurton confirme, et ajoute qu'il a également tracté en faveur d'Emmanuel Macron pour l'élection présidentielle. "Mais j'ai été contacté en tant qu'artisan, et j'ai donné mon point de vue d'artisan. Et puis pour les municipales, je suis engagé aux côtés d'une liste citoyenne", assure-t-il. Une liste opposée à une autre liste LREM, affirme Checknews.
Si le sujet radio de France info ne donne aucune indication concernant la proximité de Beurton avec LREM, l'article précise désormais que "le plombier a voté pour Emmanuel Macron à la dernière présidentielle, et il est adhérent En Marche". Une précision, comme l'ont relevé certains sur Twitter, absente lors de la parution de l'article. France info retrace auprès d'ASI les modifications : "L'article est paru à 7 h 45, a été modifié une première fois à 15 h 48 pour flouter le numéro du plombier, que l'on voyait sur la photo de sa camionnette, puis une deuxième fois à 16 h 10 pour ajouter qu'il a voté Emmanuel Macron, et une troisième à 18 h 23 pour dire qu'il est adhérent En Marche." Une fois la polémique bien entamée sur les réseaux sociaux, donc.
Le plombier avait changé la chaudière du journaliste
Mais comment le journaliste de France info a-t-il contacté Olivier Beurton, et que connaissait-il de son engagement politique ? "Benjamin Illy a simplement contacté le plombier qui avait changé sa chaudière il y a trois ans", assure France info. Une version correspondant à celle de Beurton lui-même. Concernant les engagements politiques du plombier, la com' de France info transmet à ASI les explications de son journaliste : "Une fois le sujet terminé, il a rangé son micro et, discutant avec Beurton, lui demande pour qui il a voté en 2017. Le plombier lui dit qu'il a voté Macron, et qu'il a tracté pour lui. Notre journaliste lui demande alors s'il peut le mentionner, et Olivier Beurton lui répond qu'il ne préfère pas, parce qu'il a peur que son message soit brouillé, étant donné qu'il ne s'exprime pas au nom d'En Marche. En plus, pour les autres portraits que nous avons faits pour les retraites, la question du vote n'avait pas été posée."
Illy n'a donc pas donné l'information, ajoutée une fois les engagements passés d'Olivier Beurton affichés partout sur les réseaux sociaux. Et dire que le plombier craignait que son message de simple artisan soit "brouillé" si ses engagements étaient exposés...
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