Nucléaire : hypocrite Allemagne

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Insupportable Allemagne. A-t-on idée de décider du jour au lendemain

, en pleine nuit, de sortir du nucléaire, avec une date de sortie, un plan de substitution, et tout et tout ! Heureusement, les Français ne sont pas dupes de la manigance. Depuis quarante-huit heures, se déploient les savantes analyses montrant qu'ils ont percé à jour les motivations d'Angela Merkel. Figurez-vous qu'il s'agit d'une "décision politique", a immédiatement révélé Anne Lauvergeon, présidente d'AREVA. Imaginez ! Une dirigeante politique prenant une décision politique ! Quel pur scandale ! Les spécialistes poussent l'analyse plus loin: cette "décision politique" serait "un signe de faiblesse". Merkel tenterait ainsi de se concilier les voix des électeurs verts. Ces Allemands sont d'une grossièreté ! Des décisions "politiques", des lois "politiques", des débats de société "politiques", conçus uniquement pour s'attirer les voix du Front National, ce n'est pas en France que l'on verrait une semblable aberration !

Sans parler du danger. Alors que les émissions de CO2, en 2010, ont atteint leur plus haut niveau historique, alors que le printemps 2011 est le plus chaud depuis...1900, peut-on vraiment croire les Allemands quand ils prétendent, avec leurs éoliennes, respecter leurs engagements de réductions de CO2 ? Cette décision, démagogique et irresponsable, est enfin "hypocrite": l'Allemagne souhaite inaugurer une carrière de "passager clandestin" du nucléaire, intéressante notion que l'on découvre à l'occasion. Si l'on comprend bien, un "passager clandestin" est un pays qui, faute de produire lui-même de l'électricité nucléaire, va en acheter en catimini à l'étranger. S'il venait à l'idée de l'Allemagne de démarcher la France, l'honnête France, la loyale France, la courageuse France, on espère vivement que nous refuserons de lui en vendre, et que nous dénoncerons ces scandaleuses tentatives d'approvisionnement clandestin.

A ce concert, venant essentiellement de l'industrie nucléaire et de ses porte-parole, Le Monde joint aujourd'hui sa voix, dans un éditorial de son correspondant à Berlin, Frédéric Lemaître, intitulé "l'Allemagne face à la tentation du cavalier seul". L'Allemagne, déplore-t-il, sort du nucléaire "sans même en avoir discuté avec ses voisins". Cette absence de l'Europe dans le débat allemand sur l'énergie est "criante". Etc etc. Pourtant, à quelques pages de là, le même journal publie...

une carte fort éclairante. A regarder attentivementpicto

L'Allemagne ferait "cavalier seul". Ah bon ? Cette carte donne plutôt le sentiment que c'est la France du tout-nucléaire, qui fait cavalier seul, et impose à ses voisins, par exemple, le risque de Fessenheim. Cette carte est éloquente. Elle nous dit en effet qu'un franc débat européen s'imposera tôt ou tard. Mais pas forcément dans le sens des détracteurs de l'Allemagne.

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