Nouveaux otages Syrie : gaffe de Ayrault
Sébastien Rochat - - 0 commentairesLa France compte deux nouveaux otages en Syrie : Nicolas Hénin, reporter de 37 ans, et Pierre Torres, photographe de 29 ans. Comment le sait-on ? Par une bourde de Jean-Marc Ayrault. Invité d'Europe 1 mercredi 9 octobre, le Premier ministre était censé donner des nouvelles de deux autres otages, Didier François et Édouard Elias, les journalistes d'Europe 1 retenus en otages en Syrie. Mais il s'est trompé de noms. Si les sites de presse ont relayé la "bourde", la "gaffe", la "boulette", d'autres médias, comme France 2, se sont bien gardés d'indiquer dans quelles conditions ces noms avaient été donnés.
C'était la dernière question de Thomas Sotto : "M. le premier ministre, ça fait 126 jours que nos deux collègues d'Europe 1, Didier François et Edouard Elias ont été enlevés en Syrie. Quelles sont les dernières nouvelles que vous nous donner d'eux, s'il vous plait ?", demande le journaliste d'Europe 1. Et là, surprise, Ayrault s'emmèle les pinceaux et donne deux autres noms, sans s'en rendre compte : "Je partage l'inquiétude, l'angoisse des familles et les votres aussi comme collègues avec ses deux journalistes que vous connaissez bien... Nicolas Hénin et Pierre Torrès". Hénin et Torrès ? Sotto corrige mais Ayrault poursuit sa réponse sur les preuves de vie |
En réalité, en lâchant deux autres noms, Ayrault a révélé que deux autres journalistes, en plus de ceux d'Europe 1, ont été enlevés en Syrie. Nicolas Hénin, 37 ans, était parti pour le compte du Point et d'Arte. Pierre Torres, 29 ans, y était en tant que photographe indépendant. Tous deux ont été enlevés le 22 juin à Raqqa, une ville contrôlée par les rebelles islamistes. Vu la manière dont Ayrault répond à Thomas Sotto, il pensait bien parler des journalistes d'Europe 1. Une erreur aussitôt qualifiée de "boulette", "bourde", "gaffe" par les sites de presse.
Mais au 20 heures de David Pujadas sur France 2, pas un mot sur cette séquence. A aucun moment, ni dans le lancement, ni dans le sujet, ni au cours du duplex d'après sujet, la chaîne ne donne les circonstances exactes dans lesquelles leur nom a été rendu public. Pas de bourde au 20 heures. Pourtant, c'était bien le cas, même si Matignon a tenté d'éteindre l'incendie en affirmant que c'était prévu. Pour bien comprendre cette confusion, il faut revenir aux premiers jours de leur enlèvement. Les familles ne souhaitaient pas que leur nom soit rendu public. |
Comme l'a expliqué le père de l'un d'entre eux, Pierre-Yves Hénin, son fils avait même donné la consigne avant de partir : en cas d'enlèvement, il considérait qu'il était préférable de ne pas communiquer sur son sort. " Les rédactions se sont alignées sur le souhait des familles. C'est leur droit de considérer que c'est risqué d'en parler. On s'applique à ne pas transgresser la volonté des familles", nous explique le directeur de Reporters sans frontières, Christophe Deloire, lui-même dans la confidence.
Après trois mois d'enlèvement, les familles avaient finalement décidé de médiatiser ces deux enlèvements. Mais l'annonce devait être faite par le père de Nicolas Hénin samedi 12 octobre dans le cadre des "Rencontres de Bayeux" qui récompensent le travail des correspondants de guerre. Interrogé par Arte, le père de Nicolas Hénin expliquait ce changement de stratégie car les familles trouvaient le "temps très long" et souhaitaient "adresser un message" aux ravisseurs. Car jusqu'à présent, aucune revendication ne serait parvenue aux autorités. Quant à l'erreur d'Ayrault, l'administrateur de l’agence de production Solasfilms, dont fait partie Nicolas Hénin, a fait part de son agacement : "C’est une boulette, il y a un réel manque de tact", a-t-il déclaré à l'AFP.
(avec Mireille Campourcy)