Normes urbaines : M6 remplace (trop vite) tous les potelets
Sébastien Rochat - - 0 commentairesVous les croisez tous les jours dans la rue, mais peu connaissent leur petit nom : les potelets sont les petits poteaux installés sur les trottoirs pour protéger les piétons des véhicules. Dans le cadre de son enquête sur l'enfer des normes, diffusée dimanche 14 décembre, Zone interdite s'est notamment intéressé à ces potelets en sous-entendant que de nouvelles normes obligeaient les mairies à les changer. Du gaspillage ? Sans doute. Sauf que M6 a oublié de préciser que tous les potelets ne devaient pas être changés.
Tout est une question de taille. Pour un potelet de 1,10 mètre, le diamètre doit être de 0,06 mètre. Comptez plutôt 0,21 mètre de largeur pour une hauteur de 0,6 mètre. Dans tous les cas, le diamètre ne peut être inférieur à 0,28 mètre. Et si vous n'avez rien compris sur les normes des potelets, il fallait regarder Zone interdite hier. En cinq ans, la règlementation de ces petits poteaux qui jonchent les trottoirs a changé deux fois. Avant, les potelets étaient de couleur unie. Désormais, il faut une bande blanche pour qu'ils soient mieux repérés par les malvoyants. Selon la règlementation, leur hauteur a également varié. Ce qui rend fou le maire du Mans, Jean-Claude Boulard (PS), co-auteur d'un rapport sur l'inflation normative en France, remis en mars 2013 (document PDF).
Devant les caméras de M6, Boulard veut montrer l'absurdité de cette règlementation en invitant la journaliste à faire un petit tour de la ville. Avec une première séquence "étonnement" : "Oh bah dis-donc, ils ont changé, ils sont différents, c'est pas les mêmes, c'est encore de nouveaux potelets", constate le maire face à un petit poteau rouge orné d'une bande blanche. Et le maire d'enfoncer le clou (ou le potelet) : "On change la taille, la hauteur, la largeur, pfiouuu". Alors que les anciens potelets, des petits rouges sans bande blanche, ils étaient très bien.
"Si la ville du Mans devait changer tous ses potelets pour les mettre aux normes, cela coûterait près de 120 000 euros", précise la journaliste en voix off. Heureusement, monsieur le maire ne va pas remplacer ses vieux potelets : "Non, on ne va pas les changer tout de suite, parce qu'ils sont très bien comme ça, pourquoi voulez-vous que je dépense l'argent des contribuables pour les changer". Tant mieux pour les finances publiques. Et tant pis pour les fabricants de potelets, qui, paraît-il, "se frottent les mains" à chaque fois que les normes changent.
Entre le maire qui refuse de changer ses potelets et les fabricants qui se frottent les mains, M6 sous-entend que les normes obligent les mairies à les changer. C'est d'ailleurs ce qu'écrit la journaliste, Elise Richard, dans le making of de son enquête publié sur le Plus de L'Obs : "en l’espace de 5 ans, [les normes des potelets] ont changé deux fois, ce qui contraint les mairies à dépenser de l’argent pour remplacer leurs potelets". Avec un coût forcément élevé : par exemple, entre 2001 et 2008, la ville de Paris a remplacé près de 85 000 potelets car ils étaient endommagés ou ne comportaient pas de boule blanche pour les malvoyants.
Sauf qu'après vérification, le dernier changement de norme n'oblige pas les mairies à changer tous leurs potelets. Le dernier arrêté sur les potelets date du 18 septembre 2012 et prévoit que la nouvelle règlementation "s'appliquera aux nouveaux obstacles bas installés à compter du 1er avril 2013 à l'occasion de la réalisation de voies nouvelles, ou d'aménagements, ou de travaux de réhabilitation, ou de réfection des voies, des cheminements existants ou des espaces publics". En clair, les nouvelles normes s'appliquent aux nouveaux potelets installés après le 1er avril 2013 dans le cadre d'une rénovation urbaine (ou si la ville décide de remplacer les potelets endommagés). Mais si votre maire n'a pas décidé de refaire les trottoirs, votre bon vieux potelet d'avant 2013 peut rester debout en toute légalité. Ouf !