Non, les migrants du Daily Mail ne venaient pas d'Europe
Manuel Vicuña - - Intox & infaux - 0 commentairesLe DailyMail ne lésine pas sur les Unes coup de poing…
surtout à quelques jours du référendum sur le Brexit. Jeudi 16 juin, le tabloïd anglais consacrait sa première page à l’interpellation, la veille, à Londres, d’une dizaine de migrants. A côté de la photo de ces personnes entassées à l’arrière d’un camion, s’affiche en gros caractères le titre : "Alors que les politiques se chamaillent sur les contrôles aux frontières, un nouveau groupe de migrants arrive en camion au Royaume-Uni en affirmant : «Nous sommes Européens – laissez-nous entrer!»" La Une s’accompagne d’un article dans lequel les journalistes du Daily Mail James Slack et Jason Groves rapportent que, lors de l’interpellation, les migrants ont expliqué à la police être originaires d’Europe. Thème sensible, alors que l'immigration est un des thèmes les plus exploités par les pro-Brexit.
Problème : un vidéaste amateur, Tom Andrews, a filmé la scène. On y voit la police demander aux réfugiés s’ils parlent anglais et d’où ils viennent. Leur réponse, parfaitement audible : "Irak", "Koweït".
La vidéo a été mise en ligne par l'agence de presse britannique SWNS le jour même sur YouTube, avec pour titre : "Voici le moment où des migrants dans un camion disent « Nous sommes Européens.»" Erreur grossière de l'agence, discrètement corrigée le lendemain sur YouTube par le titre :"Voici le moment où des migrants dans un camion disent « Nous sommes d'Irak.»" Trop tard, en tout cas, pour le Daily Mail qui entre temps a relayé l'erreur en Une de son édition du jeudi.
Capture de la première version de la vidéo postée par SWNS le 15 juin et depuis corrigée.
Comme le pointe le Guardian, pour corriger son gros titre le Daily Mail a procédé à une mise à jour sur son site et s’est fendu le lendemain d’un erratum … de 54 petits mots : "Conjointement à d’autres journaux [notamment The Sun, ndlr], nous avons publié hier un récit provenant d’une agence de presse réputée qui expliquait que des clandestins interpellés à Londres avaient expliqué à la police qu’ils étaient originaires d’Europe. En réalité, bien qu’ils soient arrivés depuis le continent jusqu’au Royaume-Uni à bord d’un véhicule italien, les migrants ont dit à la police qu’ils étaient d’Irak et du Koweit." Ce communiqué lapidaire n’a pas suffi à convaincre l’association de protection des migrants britannique JCWI qui a condamné un "récit inexact" et "une distorsion de la réalité" qui conduisent à "un débat public toxique".
Le Daily Mail n'en est pas à son coup d'essai. En février dernier, le quotidien expliquait que les migrants étaient coupables de 700 crimes par semaine au Royaume-Uni. Le journal avait publié un correctif... deux mois plus tard, en mai, expliquant que les chiffres en question comprenaient des violations de décisions de justice et des condamnations en appel. Cette première correction faisait suite à une série de plaintes contre le Daily Mail déposées auprès de l'Organisation indépendante des normes de presse par Infacts, un collectif journalistique faisant campagne pour que la Grande-Bretagne reste dans l'Union européenne.