Nigéria : massacres vraiment "inter-religieux" ? (presse internationale)

Gilles Klein - - Silences & censures - 0 commentaires

Les massacres au Nigeria sont-ils vraiment "inter-religieux", comme ils sont le plus souvent présentés, opposant chrétiens et musulmans, ou bien les raisons de l'antagonisme sont-elles plus complexes ? Dans un article publié par plusieurs journaux canadiens, Gwynne Dyer relie ces massacres à la lutte pour le pouvoir au sommet de l'Etat nigérian (racontée par un article du Monde daté du 6 mars 2010), et à la lutte pour le contrôle de terres agricoles, dans ce pays de plus de 150 millions d'habitants.


Malade depuis novembre 2009, le président Yar'Adua, un musulman, a quitté le pays pour se faire soigner en Arabie Saoudite pendant plusieurs mois. En février 2010 le vice-président Goodluck Jonathan, un chrétien, s'est vu confier le pouvoir par le sénat nigérian. Mais quelques jours plus tard le président est rentré au Nigéria. Il est en soins intensifs dans une unité spécialement construite dans la villa présidentielle, où presque personne ne peut le voir, même pas le vice-président. Du coup, plus aucune décision n'est prise selon Dyer, qui évoque ensuite les massacres de la semaine dernière.

"Ni au niveau national, ni au niveau des villages le combat n'est motivé par des différences religieuses. La tentative désespérée de maintenir Umaru Yar’Adua au pouvoir, en vie mais comateux, s'explique parce que son remplacement par Jonathan violerait un accord d'alternance entre les catholiques et les musulmans."
"De même, les massacres à la frontière des zones musulmanes et chrétiennes du pays, sont dues à un conflit de pouvoir pour le contrôle de guerres agricoles entre les fermiers locaux (de l'ethnie Berom qui est chrétienne), avec les bergers Fulani qui sont musulmans."

The Amherst Daily News lundi 15 marspicto



Le Monde daté du 10 mars 2010 expliquait lui aussi que "le conflit, à l'origine de la mort de centaines de chrétiens dimanche à Jos (centre), est plus politique que religieux"

Ces supposés bergers ont encerclé Dogo Nahawa et deux localités voisines, (...) puis commencé à tuer, n'épargnant ni femmes ni enfants, incendiant les maisons de ces quartiers où résident essentiellement des membres de l'ethnie Berom, majoritairement chrétiens. (...) En apparence, le conflit repose sur des divisions religieuses, qui recoupent des différences ethniques. (...)

Le 17 janvier, il avait suffi que des musulmans reviennent construire une maison, une mosquée, voire un terrain de football - selon les versions - dans un quartier devenu chrétien, pour qu'éclate une violence n'ayant rien de spontané, ni de " religieux " ou d'ethnique à l'origine. Olisa Agbakoba, avocat, ancien président du barreau du Nigeria, est originaire de Jos. Il ne cache pas sa colère. " Bien sûr, les facteurs de tension sont nombreux au départ. Mais si on tue à Jos, c'est en raison des manipulations des responsables locaux. C'est une scène politique d'une extrême violence. Et cela fait partie de la montée des tensions qui menace le Nigeria. "

A la base de ces " tensions " se trouve le concept d'indigénéité. Une particularité nigériane, accordant à certains groupes ethniques, dans des régions invariablement mélangées, une sorte de certificat de " premier arrivé sur place ". Souvent contestable d'un point de vue historique, cette notion a surtout des effets toxiques, car aux " indigènes " sont opposés les " colons ", arrivés plus récemment. " Les gouvernements locaux déterminent qui sont leurs propres indigènes ", rappelle le chercheur Philip Ostien, dans un rapport pour la Fondation Volkswagen.

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