Murdoch l'amnésique, dans le texte

Gilles Klein - - 0 commentaires

Etrange audition, pendant près de trois heures, pour Rupert Murdoch et son fils James devant une commission du Parlement britannique, à l'image de l'entartage surréaliste de Murdoch père par un homme qui suivait les débats. Rupert Murdoch commence par platement s'excuser comme son fils, puis il semble un peu égaré, déclarant tout ignorer ou presque de ce qui se passait dans la filiale britannique de son empire médiatique.

L'audition était diffusée hier en direct par toutes les chaînes britanniques, comme la BBC, ITN, ou SkyNews. Le président de la séance salue les participants et souhaite la bienvenue à Murdoch et son fils.

Rupert Murdoch intervient aussitôt sans attendre la première question : "Juste avant que vous ne commenciez, j'aimerais dire un mot. Jamais je ne me suis senti plus humble dans toute ma vie"

Rupert Murdoch répond brièvement aux questions qui lui sont directement posées (malgré les tentatives de son fils de parler à sa place) au début de l'audition, et semble perdu quand un député lui cite des dates et des faits qui auraient dû, depuis des années, l'amener à enquêter sur le comportement de l'équipe dirigeante de News of the World et de sa rédaction : Rebbekah Brooks avait avoué, dès mars 2003 à une commission parlementaire, que des policiers qui informaient News of the World avaient reçu de l'argent. Murdoch: "Je le sais maintenant, je ne l'ai pas su à l'époque."

Sur la tolérance zéro au sein du groupe

Vous avez souvent déclaré que News Corp avait une tolérance zéro si un employé se comporte mal ? C'est vrai ?

- Oui

En octobre 2010, pensez-vous avoir dit la vérité quand vous avez déclaré "Je vais être clair, nous voulons la vérité et nous n'accepterons aucun comportement délictueux"

- Oui

Donc si vous ne mentiez pas à l'époque, quelqu'un vous a menti - qui cela ?

- Je ne sais pas. C'est sur quoi la police enquête, et nous l'aidons.

Vous reconnaissez que l'on vous a trompé ?

- Tout à fait

Sur une affaire de chantage à News of the World

Pourquoi, en 2008, n'avez-vous pas renvoyé le responsable des reportages de News of the World Neville Thurlbeck à la suite de l'affaire Mosley ?

- Je n'ai jamais entendu parler de lui

Un juge a prouvé que Thurlbeck avait fait chanter deux des femmes impliquées dans cette affaire.

- Je n'ai pas entendu parler de cela

Pas un membre de votre état-major britannique n'a attiré votre attention sur cette affaire, même lorsque les médias lui ont donné un large écho ?

- C'est la première fois que j'en entends parler

Bien que ce chantage soit passible de 14 ans de prison, personne ne vous en a parlé ?

- L'accusation de chantage non.

Pensez-vous que c'est parce que l'on savait que cela ne vous intéresserait pas ?

- Non. Je ne peux pas répondre. je ne sais pas.

Sur les USA

On dit que le FBI enquête sur (des tentatives d'espionnage par des médias Murdoch de téléphones portables de proches, NDR) des victimes du 11 Septembre. Avez-vous lancé une enquête sur ces accusations ?

-Nous n'avons trouvé aucune preuve de cela, et autant que nous le sachions le FBI non plus. S'ils trouvaient, nous ferions comme nous avons fait ici, mais je ne peux pas croire que quelqu'un ait fait cela en Amérique.

Sur le rachat avorté du bouquet de chaîne satellite BskyB

Vous devez être choqué par ce scandale, par le fait qu'il vous fait perdre BskyB, et a provoqué la fermeture de News of the World. Qui est responsable ?

- Il y a beaucoup de gens qui avaient intérêt à provoquer cette hystérie. Tous nos concurrents dans ce pays ont créé un consortium pour essayer de nous arrêter, ils nous ont sali, et ils ont provoqué toute cette hystérie.

Ce sont vos concurrents qui vous ont empêché de reprendre BskyB ?

- Non je pense qu'il y a eu une atmophère qui a rendu l'opération impossible.

Sur sa responsabilité dans ce scandale des écoutes de News of the World

"Mr Murdoch acceptez-vous finalement la responsabilité de l'ensemble de ce fiasco ?"

- Non.

"Vous n'êtes pas responsable ? Qui est responsable ?"

-Les gens à qui j'ai fait confiance pour diriger et peut-être les gens à qui ils ont fait confiance"

Sur une invitation de David Cameron, au 10 Downing Street, la résidence officielle du Premier ministre

- De quelle visite à Downing Street parlez-vous ?"

- J'ai été invité par Mr Cameron dans les jours qui ont suivi à prendre une tasse de thé pour être remercié pour notre soutien, nous n'avons pas parlé d'autre chose."

"C'est cette fois là que vous êtes passé par une porte dérobée ?"

- Oui. Mr Brown aussi me demandait souvent de faire pareil."

- Et ma famille y est allée souvent"

Sur le soutien aux hommes politiques

"Avez-vous posé des conditions à un leader politique en Grande Bretagne avant de lui apporter le soutien de vos journaux ?"

- Je n'ai jamais garanti à personne le soutien de nos journaux. Nous avons changé, nous avons soutenu le gouvernement Thatcher, et le gouvernement conservateur qui lui a succédé, et puis nous avons pensé que cela suffisait, et nous avons soutenu le parti travailliste. C'était il y a 13 ans, et le résultat a été une baisse de la diffusion de 200 000 exemplaires."

Sur diverses formes d'espionnage utilisées par News of the World

- Je pense que tous les organismes de presse ont utilisé des détectives privés pour leurs enquêtes de temps en temps. Je ne pense pas que c'est illégal.

Sur le licenciement de la rédaction de News of the World

- Quand une société ferme, il est naturel que les gens perdent leur emploi. Dans ce cas, nous faisons tous nos efforts pour reclasser ces gens dans d'autres secteurs de notre entreprise.. s'ils ne font pas partie de ce petit groupe, quel que soit ce groupe dont je ne connais pas la taille, qui est lié à des activités illégales."

Sur l'amnésie collective de la direction du groupe (qui maintenait à l'époque qu'un seul journaliste était lié aux écoutes) lors d'une précédente audition parlementaire en 2009 sur News of the World, à laquelle les Murdoch n'avaient pas été convoqués

Avez-vous lu notre rapport où nous évoquions l'amnésie collective de vos responsables ?

- Je n'en ai pas entendu parler

Une enquête parlementaire constate que vos plus hauts responsables en Grande Bretagne sont coupables d'amnésie collective, et personne ne vous en parle ?

- Non.

A la fin de son audition, interrompue par un entarteur, Rupert Murdoch présente ses excuses pour ce que son journal a fait subir à la famille de la petite Milly Dowler, adolescente dont le répondeur avait été espionné et manipulé pendant sa disparition, avant qu'elle ne soit retrouvée assassinée en 2002. Ce sont les révélations sur cette affaire qui ont provoqué l'indignation de toute la Grande Bretagne, le 6 juillet dernier.

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