Moscovici, et le jeu de dupes européen
Daniel Schneidermann - - 0 commentairesAvec la nomination de Pierre Moscovici comme commissaire européen aux affaires économiques et financières
, le jour même où la France admet un dérapage de son déficit, on atteint des sommets dans le jeu de dupes bruxellois, ce jeu qui se joue à trois, entre Paris, Bruxelles et Berlin. On imagine les rudes dialogues futurs entre Hollande et Mosco : "ça va, François ?" "Doucement doucement. Et toi, tu t'acclimates à Bruxelles ? Le chat de Marie-Charline ne cafarde pas trop ?" "Il s'y fait tranquillement. Bon, faut qu'on parle boulot. Dis donc, sur le déficit, là..."
Quant à un éventuel effet sur une éventuelle indulgence européenne à l'égard d'éventuels dérapages ultérieurs de la France, il est difficile à prévoir. Ainsi, le correspondant à Bruxelles de Mediapart remarque que Moscovici sera encadré par deux vice-présidents de la commission, un terrible Letton, et un redoutable Finlandais, tous deux anciens premiers ministres, et "avocats sans nuances des politiques de rigueur budgétaire". Cependant, note Mediapart, les deux gardes-chiourme de la rigueur "ne disposeront sous leur autorité d'aucune administration en tant que telle. Ils seront des commissaires en apesanteur, sans fonctionnaires associés." Bref, Mediapart ne sait pas quelle sera la marge de manoeuvre réelle de Mosco. Et pour que Mediapart doute, il faut vraiment que l'affaire soit nébuleuse.
Le terrible Letton, et l'infâme Finlandais sont-ils là pour encadrer le doux Moscovici, ou pour faire croire à Merkel (qui était parait-il réticente à la nomination du laxiste Français) qu'ils l'encadrent ? Et si c'est le cas, Merkel le croit-elle vraiment, ou fait-elle mine de le croire, pour donner le change à ses propres ultras ? Eternel jeu de dupes, dans lequel on ne sait jamais si le gouvernement français, par rapport à l'Allemagne, est dans le "je me soumets pour la galerie, mais je résiste en douce", ou au contraire dans le "je résiste pour la galerie, mais je me soumets en douce". Sans doute dans les deux à la fois. Et sans doute que les acteurs eux mêmes ne savent pas dans quel film ils sont. Eternité de l'art français du double jeu, que pratique avec brio l'élite politique française -attention, comparaison dérapante- depuis les collabos-résistants de l'Occupation. L'Europe : une galerie de personnages sournois qui déploient toute leur énergie à déployer tous les faux-semblants imaginables, pour tromper le Maître. Mais qui est le Maître ?
Hamlet, chat de Marie-Charline Pacquot, compagne du commissaire européen aux affaires économisues et financières Pierre Moscovici