Montgeron / meurtre : version policière contestée (Mediapart)

Laure Daussy - - 0 commentaires

Deux versions. Un homme avait été abattu mardi 29 juillet par des policiers à Montgeron dans l'Essonne. Nous l'évoquions ici, à propos de la manière de le dénommer : fallait-il dire "un Roumain", ou "un homme" ?  Jusque là, c'est la version policière qui était publiée dans les médias, selon laquelle l'homme avait menacé un policier qui avait tiré. Aujourd'hui, deux témoins interviewés par Médiapart, dont le frère de la victime, contestent la version policière.

Un Roumain de 42 ans, Dorel Floarea, a été tué mardi 29 juillet à Montgeron (Essonne) par un policier, en situation de légitime défense, selon la version du parquet d'Évry. Selon le policier, l'homme le menaçait avec un tesson de bouteille. Mais cette version est contestée par le frère de la victime ainsi qu'un autre témoin interrogé par Mediapart.

Quelle est la version publiée jusque-là dans la presse? Selon le parquet de Paris, deux policiers municipaux sont arrivés dans le quartier du Moulin de Senlis à Montgeron vers 18h30, appelés par des voisins qui se plaignaient de la présence des trois hommes saouls dans la rue.

Les agents municipaux appellent en renfort la police nationale qui envoie quatre fonctionnaires en tenue, dont deux adjoints de sécurité. "A leur arrivée, les collègues voient les personnes éméchées, ils tentent de rentrer en dialogue, relate Loïc Travers, responsable  du syndicat Alliance police à Versailles. La personne est extrêmement aggressive et a déjà son tesson de bouteille à la main". Selon France info, lorsque l'équipe de la BAC intervient, elle demande aux hommes éméchés de se coucher au sol. Deux d'entre eux acceptent, le troisième refuse. Il porte à la main un tesson de bouteille de whisky. En garde à vue, le chef d'équipe de la BAC raconte qu'il a alors crié à ses collègues "attention arme tranchante". Le brigadier aurait reculé pour"installer une distance de sécurité", puis trébuché sur un rebord longeant le trottoir, avant de tomber. Floarea aurait continué à avancer vers lui, en le menaçant, jusqu’à ce que le policier lui tire une balle dans le thorax. Il n'y a pas eu de sommation, reconnaissent plusieurs sources policières, selon France info. Selon Loïc Travers, les témoignages des quatre policiers, des deux agents municipaux et d'un témoin concordent sur ce déroulé.

Tesson de Bouteille, gobelet ou paquet de cigarette dans la main?

Mais le frère de la victime présente une autre version. "Les policiers municipaux sont arrivés vers 18h-19h,explique Constantine Floarea à Mediapart, "Ils nous ont dit “c’est interdit de boire”, alors on est partis par le chemin."Mais les trois hommes ont oublié sur le muret les deux paquets de cigarettes qu’ils venaient d’acheter. Selon Constantine, son frère retourne les chercher."Arrivent quatre policiers nationaux, ils renversent la bouteille de whisky, puis la jettent dans la poubelle, raconte Constantine .Mon frère leur demande en roumain: “Pourquoi vous faites ça?”J’étais derrière lui, il avait son portable à la main. La bouteille était dans la poubelle, pas dans la main."Pas d'arme tranchante dans la main de son frère, donc, selon ce témoignage.

Un voisin, rencontré par Mediapart, affirme avoir suivi toute la scène. Étranger, il ne souhaite pas que son nom, ni sa nationalité apparaissent par "peur de la police" .Il a entendu l’un des hommes injurier les policiers en roumain: "Police de merde.""Le Roumain était trop bourré, bourré comme quelqu’un qui va dormir, il n’a pas du tout voulu attaquer le policier,dit cet homme.Il avait dans la main quelque chose, un paquet de cigarettes ou un gobelet, mais pas une bouteille. Le policier reculait, il y avait un bloc de béton, il est tombé et a tiré."

A notre connaissance, Mediapart est le seul à donner la version du frère de la victime. Une question se pose : quel crédit lui accorder, en tant que proche de la victime? D'autres journaux, comme Libération, ont interrogé le voisinage, dont les témoignages vont dans le sens du frère. "Ils étaient complètement saouls", décrit une voisine à Libé. "Ils tenaient à peine debout, un coup de vent aurait pu les faire tomber. Je ne comprends pas que les policiers aient eu besoin d’en tuer un. Pourquoi ne pas avoir utilisé un Taser ou tiré dans les jambes ?" dit-t-elle. Libé interroge aussi Vitaly, un membre de la communauté russe qui vit dans le château du Moulin, devant lequel le drame s’est déroulé :"Ils étaient là depuis deux heures à boire et crier. Dangereux peut être, mais de là à croire que les policiers n’avaient pas d’autres choix…"

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