Missiles français au Rwanda juste avant le génocide ?

Dan Israel - - 0 commentaires

Des missiles antiaériens français dans l'arsenal de l'armée rwandaise en 1994, juste avant que l'avion du président rwandais Habyarimana soit abattu, et que le génocide commence ? C'est l'information qu'annonçait Libération vendredi en une. Et qui est fermement démentie depuis par un ex-dirigeant de l'armée belge, qui fournissait à l'époque le gros des effectifs des casques bleus sur place.

"Qui a tué le président rwandais Juvénal Habyarimana le 6avril 1994, lors d’un attentat spectaculaire resté non revendiqué ? Depuis dix-huit ans, cette question suscite des débats passionnés, affirmait vendredi Libération. Car même si l’attentat est le déclencheur et non la cause du génocide de la minorité tutsie, programmé de longue date, l’identité des commanditaires pèse forcément sur la lecture des événements."

Le combat est féroce entre les partisans de la thèse d’un attentat fomenté par les rebelles tutsis du FPR, qui a longtemps dominé, notamment dans les explications officielles françaises, et ceux qui estiment que les responsables sont à chercher du côté des hutus, l'ethnie du président. De hauts responsables de l'armée auraient pu commanditer l'élimination d'un homme qui voulait partager le pouvoir avec les rebelles.

Et Libé a donné du grain à moudre au second camp : jusqu'à présent, il était fréquemment rappelé que l'armée ne disposait pas de missiles sol-air en 1994, mais les articles publiés vendredi affirment le contraire. Libé indique que Linda Melvern, une "journaliste britannique", a trouvé "presque par hasard, dans le cadre d’une recherche historique", une "liste évoquant la présence de missiles Mistral, dans les archives de l’ONU". Ce document était "adjoint et noyé au milieu d’un autre rapport".

Et c'est Melvern elle-même qui signe l'article principal dans le quotidien. "La liste qui détaille les stocks d’armement à la veille du génocide révèle que l’armée rwandaise était alors en possession d’une quantité «indéterminée» de «missiles sol-air de typeSA-7» et de «15missiles sol-air Mistral». Des armes d’origine française, écrit-elle. Même si rien ne permet à ce jour d’attester que ce sont ces missiles-là qui ont servi à l’attentat, l’information est en contradiction flagrante avec les nombreux démentis et déclarations officielles qui se sont succédé depuis plusieurs années, affirmant que «le camp hutu n’avait pas de missiles», ainsi que l’a encore répété en janvier le socialiste Hubert Védrine, secrétaire général de la présidence de la République au moment du génocide."

Selon la journaliste, cette liste aurait été rédigée, après inspection des stocks d'arme, "le jour même de l'attentat" par les "observateurs militaires de la Minuar, la mission d’observation de l’ONU envoyée au Rwanda quelques mois avant le génocide". "Début mai, le général Roméo Dallaire, à l’époque commandant en chef de la Minuar, a confirmé l’authenticité de cette liste", assure même Melvern, sans donner plus de détails sur cette authentification. La liste a été remise aux juges Marc Trévidic et Nathalie Poux, qui enquêtent sur l'attentat, par les Rwandais anti-Habyarimana, mis en examen en 2006 par le juge Jean-Louis Bruguière. Bruguière, qui a depuis quitté la magistrature, penchait pour la thèse de l'attentat commis par les rebelles tutsis.


Rumeurs "fantaisistes"

Mais la thèse de Libé est très sérieusement contestée du côté de l'armée belge, comme le signale le site de la RTBF. "Ce prétendu scoop n'est en réalité qu'un pétard mouillé et rien de plus", a ainsi affirmé dimanche à l'agence BELGA le colonel à la retraite Luc Marchal, qui commandait à l'époque le secteur Kigali de la Minuar. "Ce fameux document soi-disant découvert 'par hasard' par Linda Melvern est connu depuis longtemps. Il a été discuté au Tribunal (pénal international sur le Rwanda, TPIR) d'Arusha (Tanzanie) il y a déjà pas mal d'années et classé comme non pertinent", a souligné le colonel.

L'ex-militaire conteste aussi l'origine du document. Selon lui, il n'a pas été rédigé juste avant l'attentat, mais dans le cadre de la mission Minuar 2, démarrée… deux mois après le début du génocide. "Il a été rédigé après le génocide sur base d'informations non vérifiées provenant de Human Rights Watch et qui se sont révélées non fondées", assure Marchal. Selon lui, son rédacteur, le capitaine Sean Moorhouse aurait d'ailleurs "confirmé que son document était basé sur des rumeurs qui circulaient à Kigali à l'époque et qu'il considérait ces rumeurs comme fantaisistes".

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