Merci patron : merci les critiques ! (mais pas tous)
Anne-Sophie Jacques - - Fictions - 0 commentairesQue pense la presse du film Merci patron de François Ruffin sorti officiellement en salle aujourd’hui ? Entre l’enthousiasme affiché du Monde, du Canard enchaîné ou de Télérama et le silence pieux des Echos et du Parisien, propriétés de Bernard Arnault, héros du film de Ruffin, on trouve une pépite dans le JDD qui publie un résumé… sans citer LVMH ou son patron.
Mercredi, c’est le jour de la critique ciné. Aujourd’hui 24 février, alors que sort en salle le film Merci patron de François Ruffin – invité avec Frédéric Lordon de notre émission vendredi dernier – que pensent nos confrères de la presse écrite du documentaire qui ridiculise Bernard Arnault, propriétaire des Echos et du Parisien et par ailleurs gros annonceur ? Sans grande surprise : les médias Arnault n’en pensent rien. Pas une ligne dans Le Parisien qui encense The revenant avec Leonardo DiCaprio (en Une du quotidien) ou Je ne suis pas un salaud du français Emmanuel Finkiel. Un film qui a plu également aux Echos qui ne disent rien de Merci patron. Silence également dans le supplément Le Figaro et vous et le Figaroscope (groupe Dassault).
En revanche, Le Monde, qui a publié deux articles sur le film dès lundi, a adoré. Le critique du quotidien Jacques Mandelbaum n’hésite pas à qualifier le film de Ruffin de "chef-d’œuvre du genre" (la comédie documentaire). Et de faire référence aux plus grands : "question mise en scène, tension dramatique et jubilation du spectateur, on a d’ailleurs basculé du côté de la fiction. Ernst Lubitsch (pour le quiproquo, le déguisement, le commissaire dupé dans les grandes largeurs), Frank Capra (pour le grain de sable humaniste qui détraque un système perverti), Bruno Dumont (pour la sainte et truculente simplicité flamande) ne sont pas loin". Conclusion : Merci patron est "le film le plus insolemment populaire de cette nouvelle année 2016" et Le Monde invite à ne pas le manquer.
Même enthousiasme du côté de Télérama – du groupe Le Monde détenu par le trio Pierre Bergé, Matthieu Pigasse et Xavier Niel. La journaliste Mathilde Blottière évoque "un pastiche de thriller social, offensif et jubilatoire". Conséquence : le film bénéficie d’un Ulysse n°2 – le petit bonhomme souriant qui signale que Télérama a beaucoup aimé.Enfin, du côté des enthousiastes, Le Canard enchaîné consacre deux papiers à Merci patron, "film tonique, vengeur, grinçant, terriblement drôle".
Le film qui "ne dit pas grand chose"
Entre silence et encens, on trouve la critique de Libération signée Luc Peillon du service société – et non des journalistes de la critique ciné. Peillon juge Ruffin "un peu agaçant" mais finit par qualifier le film de "(joli) ovni". Entre les deux, le journaliste estime que "le film ne raconte pas une lutte sociale collective, ne porte pas de grand discours politique. On ne voit pas les ouvriers se dresser comme un seul homme contre le grand capital". C’est, selon Peillon, "tout le défaut et l’originalité de ce film". Un film qui ne porte pas de grand discours politique ? Ce passage a retenu l’attention de Jean-Michel Aphatie qui l’a ressorti devant Ruffin invité à parler à la mi-journée sur Europe 1. Dans la bouche d'Aphatie, ça devient : "votre film ne dit pas grand chose". L'échange - si vous l'avez loupé - est déjà culte.
Mais la palme de la critique revient au JDD – propriété du groupe Lagardère. Dans sa rubrique des sorties ciné parue dimanche, Merci patron est en première position. Le JDD salue un film "plaisantin plutôt que pleurnichard, fort d’une mise en scène bout de ficelle et facétieuse". Un documentaire qui "tricote une fable contemporaine où il est permis de rire et de s’interroger sur les tenants et aboutissants de la mondialisation". Mais qui est visé dans ce film ? Vous n’en saurez rien. Le JDD réussit l’exploit de ne jamais citer LVMH ou Bernard Arnault. Chapeau.