Mélenchon-Buisson : miam !

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Donc, Mélenchon connaissait et appréciait Patrick Buisson

, le conseiller au dictaphone de Sarkozy, son "mauvais génie" d'extrême-droite, dont le rôle ne cesse de se préciser. C'est une des révélations du livre de deux journalistes du Monde, Ariane Chemin et Vanessa Schneider (Le Mauvais Génie, Fayard) auquel les medias mainstream font un accueil fracassant : bonnes feuilles dans Le Monde d'hier, tapis rouge chez Patrick Cohen ce matin, et ce n'est pas fini. Mélenchon Buisson. Odeur de soufre, amitiés dangereuses, anguille sous roche. La bonne affaire ! A peine publiées les bonnes feuilles dans Le Monde, Jean Quatremer, l'homme qui détecte les rouges-bruns au microscope, tweetait avec frénésie sur les délicieuses révélations. L'occasion est si belle, on aurait tort de se gêner. Depuis le temps qu'on tente de le coincer, le Mélenchon, en lui collant des procès en antisémitisme qui s'effondrent tous les uns après les autres, on ne va pas bouder son plaisir. Même l'excellent Frédéric Rivière, sur RFI, harcelait ce matin le communiste Pierre Laurent, pour décrocher une réaction. Laurent assurait ne pas avoir lu le livre. Peu importe. "Et si c'était vrai, que penseriez-vous ?"

Il serait évidemment absurde de rejeter a priori l'idée qu'aient pu exister une relation, quelques calculs tortueux fondés sur une séduction intellectuelle réciproque, des tentatives d'instrumentalisation de l'un par l'autre, toutes choses qui ne laissent pas de traces, autres que dans les mémoires fragiles des témoins. D'autant plus absurde que ma génération a été durement vaccinée par la révélation tardive de l'amitié indéfectible entre Mitterrand et l'organisateur de la rafle du Vel d'Hiv, René Bousquet. Ah, il nous avait bien baladés, tous les gogos de la gauche, le Mitterrand, en s'affichant avec Badinter ou Attali, icônes de la communauté juive, en allant prononcer de beaux discours à la Knesset, en s'inclinant devant la mémoire des enfants d'Izieu. Pendant ce temps, il protégeait discrètement l'ignoble Bousquet de la Justice, au nom de très anciennes solidarités, incompréhensibles pour quiconque n'avait pas connu la guerre.

Unique photo témoignant de l'amitié de Mitterrand et de René Bousquet. Date non précisée.

Et le pire, c'est qu'il ne s'en cachait qu'à moitié. Dans les années 90, constatant avec perplexité les réticences du parquet de Paris à poursuivre Bousquet pour son rôle sous l'Occupation, quelques journalistes du Monde eurent la curiosité de faire demander au président si par hasard il y était pour quelque chose. Mais comment procéder ? On passa par l'accompagnateur d'alors de ses randonnées quotidiennes dans Paris. Et la réponse revint quelques jours plus tard, pas plus gênée que ça : oui, c'était bien Mitterrand, qui considérait qu'il n'était pas opportun de poursuivre Bousquet, pour ne pas rouvrir les vieilles cicatrices.

Les amitiés sont une chose, les paroles et les décisions politiques en sont une autre. A supposer que Mélenchon et l'infâme Buisson trouvent de temps en temps plaisir à bavarder ensemble, quelles en sont les conséquences dans l'action publique de Mélenchon ? Quelle trace de racisme ? Quelle trace d'antisémitisme ? Certes, quelques déclarations surprenantes de temps en temps, comme, récemment, cet ébouriffant éloge de la "cohérence" de Sarkozy. C'est mince. Caramba, encore raté !

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