Mélenchologie en saharienne chez Calvi

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Pauvres éditorialistes ! Il faut tout faire, dans ce métier.

Voici qu'il s'agit, puisque c'est dans l'air, de louer Mélenchon. N'exagérons rien: d'expliquer la percée sondagière de Mélenchon. Sur France Inter, Thomas Legrand délivre un scoop: son dentiste va voter Mélenchon. Il n'est pas à plaindre, le dentiste: il joue au golf. Pourtant, trop c'est trop. Qu'un riche gagne vingt fois le SMIC, passe encore. Mais ce déluge de millions !



Dans l'exercice, Calvi est pourtant imbattable. Sous l'apparence d'une entreprise à "créer de l'air du temps", à "donner le ton", le plateau quotidien de Calvi sur France 5 est un exercice d'illustration des derniers sondages parus, sur le mode "voilà pourquoi ça devait se passer ainsi". Bref, nous sommes dans une "séquence Mélenchon", et Calvi est donc condamné à une peine d'intérêt général d'une heure de mélenchologie appliquée, sous l'intitulé: "Mélenchon affole la campagne".

Problème: dans le vivier des habitués de l'émission qui s'autoradicalisent en quarté à longueur d'année, pas un seul mélenchonnien estampillé. Il va donc falloir faire avec les moyens pluralistes du bord, entendez MM. Reynié (politologue sarkoziste), Dely (éditocrate hollandiste), et Mmes Bacqué (Le Monde, hollandiste de centre-droit) et Waintraub (Le Figaro, sarkoziste de centre-gauche). Quarté qui, le mois dernier encore, considérait l'affolant d'aujourd'hui comme un malodorant populiste à la tête d'une meute de moches, agitant des drapeaux rouges à grands moulinets menaçants.

Mais curiosité commande: voici donc le plateau, en casques et sahariennes, en expédition ethnologico-animalière, à mi-chemin entre l'exposition coloniale et le salon de l'agriculture. Quel beau spécimen, ce Mélenchon ! Du talent, ça oui. Beaucoup de talent. Et vous savez quoi ? Il sait même lire ! "Il faut aller à ses meetings: il lit Victor Hugo et remporte un très grand succès" (Bacqué). Attention tout de même, ne pas trop s'approcher, l'animal est susceptible: "il réclame une sorte de respect" (Calvi). Il serait même doté d'une âme: "il ne veut pas paraître celui qui voudra se vendre" (Bacqué). Quant à son public (n'allons tout de même pas jusqu'à parler d'électorat) eh bien, considéré de près, il est beaucoup moins fruste qu'on pourrait le penser. "C'est du surdiplômé, du Bac + 5 qui vit pas mal, du centre ville, de l'urbain, la clientèle des indignés, peu d'ouvriers" (Waintraub). "Pas seulement des bobos, mais tout un public de ptits fonctionnaires" (Bacqué). Bref, "je le dis avec le plus de simplicité possible: il fait une très bonne campagne." (Calvi). Quant à son brâme, tâtez donc le caractère: "Ses idées, on peut les entendre, les retenir, c'est extrêmement saillant." (Reynié). Aux dernières nouvelles, tous sont rentrés indemnes.

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