Maxime Hauchard, bourreau pavillonnaire

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Donc, on en tient un, un djihadiste bien de chez nous, Maxime Hauchard, un bourreau made in France

, repéré dans la dernière vidéo de décapitations de l'EI, soldat Hauchard Maxime, originaire du Bosc-Roger-en-Roumois, dans l'Eure. Localité à clocher et colombages, montre l'image choisie par France 2 dans ses titres, localité dans laquelle jusqu'au week-end dernier, écrit Libération, le seul événement notable était "un thé dansant organisé par le duo Guinguette, de 14 h 30 à 19 h 20". Ils sont bien loin, les thés dansants : dans la vidéo, Maxime Hauchard, comme ses copains, prend un poignard dans un vase, avant de s'aligner devant la caméra et, au commandement, de trancher la gorge et de couper la tête de l'un des 18 exécutés de l'EI, présentés comme des militaires syriens.

Autoradicalisé sur Internet, arrivé en Syrie après un passage décevant en Mauritanie, Maxime Hauchard coche toutes les cases du djihadiste français, tel que nous le présentait, sur le plateau, le juge Marc Trévidic. Toutes les cases, jusqu'à ce village de l'Eure, le Bosc-Roger-en-Roumois, avec son thé dansant, et son hard discount Mutant, incluant un rayon poissonnerie. Au point que l'on peut se demander si "l'enfant du pays", comme dit Le Courrier de l'Eure, n'a pas été casté par ses sous-offs de l'EI pour cette raison précise, parmi les quelques dizaines de Français qu'ils ont sans doute à leur disposition. Pour cette raison : pour ce paisible village à colombages, ce pavillon parental aux volets fermés, ce cadre idéal pour reportages sur l'effroi des voisins, les braves gens, la factrice, telle que les surprend la caméra du 20 Heures de France 2. En sélectionnant Hauchard, l'EI montre que la désertion atteint la jeunesse française jusque dans ses pavillons les plus pavillonnaires, loin des "cités à problème", dans sa moyenneté la plus médiane, car plus moyen que le Bosc-Roger-en-Roumois ce n'est pas possible, à croire que les casteurs djihadistes ont fait les repérages sur Google Street, et choisi le pavillon autant que le bourreau.

Et évidemment ça fonctionne. La découverte du bourreau français terrorise bien davantage que la victime française (le guide Gourdel, le mois dernier, en Algérie). Avec le guide, le spectateur français est du bon côté, du côté des victimes. Rien d'autre à faire que de serrer les mâchoires, et de se sentir si courageux par procuration. Le bourreau normand pavillonnaire, c'est autre chose. Ce n'est pas tant la peur de-ce-qu'il-sera-capable-de-faire-à-son-retour, qui saisit, que la sidération devant la conversion, c'est à dire la désertion. C'est toute notre jeunesse, qui est suscpetible de basculer dans la secte meurtrière. Et les spécialistes de la spécialité de se demander gravement pourquoi. C'est vrai, pourquoi donc ? Pourquoi aller chercher dans les déserts lointains des raisons de vivre et de mourir, pourquoi, à 20 ans, quitter ce confortable paysage dont les points cardinaux s'appellent le Mutant, le duo Guinguette, François Hollande et Nabilla ?

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