Lyon / radio canut : un animateur en examen après "une blague" anti-policiers
Manuel Vicuña - - Déontologie - 0 commentairesIl est poursuivi pour "provocation à des actes terroristes".
Un animateur bénévole de la radio associative lyonnaise, Radio Canut, a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire le 27 octobre. En cause : des propos tenus au micro de cette antenne locale, quelques jours plus tôt.
C’était lors d’une émission diffusée le soir du 20 octobre, consacrée à la musique punk. Au micro, deux animateurs commentent, entre deux morceaux, les rassemblements policiers. Et notamment la manifestation policière qui a lieu le jour même à Lyon sur la place Bellecour : "En ce moment, y a une manif de flics à Bellecour. Avis à tous les suicidés, avis à tous les suicidaires : que votre dernier acte de vie soit utile, faites-vous sauter dans la manif des flics. On vous fera un bel enterrement avec une belle boum. Suicidés, suicidaires, organisez-vous. Oh mais ils sont là pour nous protéger quand même!"
Si l'on en croit Le Progrès, c’est un auditeur qui aurait prévenu la police. "Une enquête a été immédiatement confiée à la direction interrégionale de la police judiciaire (DIPJ). Une perquisition a eu lieu dans les locaux de la radio", explique le quotidien régional. La police s'est effectivement rendue sur place le 25 octobre pour saisir l’enregistrement de l’émission. "Quand on voit que des gens déséquilibrés peuvent passer à l’acte dans le contexte que nous connaissons, on ne peut pas laisser passer de tels propos, la responsabilité des médias est importante", estime une source judiciaire, citée par Le Progrès.
Climat de paranoïa
De son côté, Radio Canut dénonce "le climat de paranoïa" installé par l’état d’urgence. "Ces propos tenus sur les ondes du 102.2 sont au second degré, c’est de l’humour ! Confondre terrorisme et satire est apparemment de mise dans une période d’état d’urgence", expliquent les membres de la radio autogérée dans un communiqué diffusé le 2 novembre. "Selon eux, qualifier en terrorisme ces faits montre le climat de paranoïa et ouvre la voie à une répression accrue et ciblée contre les médias alternatifs." Contacté par @si, l'un des membres-animateurs de la radio, Olivier Combi précise : "Non, bien évidemment, Radio Canut n'appelle pas au meurtre des policiers, comme cela a pu être dit dans la presse", explique-t-il. "Il faut replacer les choses dans leur contexte : les propos en question, c'est 30 secondes d'échange sur le ton de la blague entre deux animateurs bénévoles, au milieu d'une émission musicale. Vraiment rien de sérieux, mais aucun média n'a pris la peine de nous appeler, ils se sont tous contentés de la version policière", déplore-t-il.
Radio Canut existe depuis plus de 30 ans et a émergé dans les années 1980 dans le sillage des radios libres. La station qui dispose depuis 1985 d’un droit à émettre ne cache pas ses engagements politiques. A la fin des années 1990, elle prenait position contre les rapprochements entre la droite locale et l’extrême-droite. Depuis, tour à tour, elle a affiché son soutien aux mouvements de défense des migrants, aux collectifs antifascistes de la région lyonnaise, aux mouvements de grèves et de luttes sociales. Plus récemment, elle a relayé le combat des zadistes de Notre Dame des Landes, participé aux manifestions contre la Loi Travail, et dénoncé à plusieurs reprises les violences policières. "Toutes ces actions feront même dire à la responsable du CSA sur la région que radio Canut est «la seule radio d'opinion de la région»", expliquent les membres de cette station sans publicité et sans salariés, qui se définit comme "la plus rebelle des radios".