Luxleaks : auteur présumé de la fuite inculpé
Anne-Sophie Jacques - - 0 commentairesEt si on faisait le point sur Luxleaks ? La personne qui serait à l’origine du scandale vient d’être inculpée par le Parquet luxembourgeois. Si on ignore son identité, on sait qu’il est Français et qu’il a travaillé pour le cabinet de conseil PricewaterhouseCoopers (PwC) d’où il a exfiltré les documents qui ont révélé les accords fiscaux très avantageux passés entre le Luxembourg et des centaines de multinationales. L’affaire Luxleaks a connu une seconde vague mardi avec la révélation de 35 nouvelles entreprises concernées – dont Skype et Disney – et l’implication de trois autres cabinets de conseil. Une affaire qui continue de déstabiliser Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne et ancien premier ministre luxembourgeois.
Relâché mais inculpé : un homme qui aurait dérobé les documents à l’origine du scandale Luxleaks a été entendu hier par les juges luxembourgeois puis inculpé pour vol et blanchiment, selon une dépêche AFP reprise notamment par Le Figaro. Si son identité n’a pas été dévoilée, le quotidien Luxemburg Wort croit savoir que l’homme est français et qu’il a été employé par le cabinet de conseil PricewaterhouseCoopers (PwC). Son inculpation est l’aboutissement d’une enquête ouverte suite à la plainte déposée par PwC en juin 2012 après la diffusion du magazine Cash investigation sur France 2 – suivie de près par la BBC. Ces reportages révélaient les accords fiscaux – dits aussi tax ruling – conclus entre le fisc luxembourgeois et des multinationales avec, à l’appui, des documents issus de PwC. |
L’enquête menée par les juges a été relancée en novembre tandis que le consortium de journalistes d’investigation ICIJ publiait dans une quarantaine de journaux du monde entier de nouveaux documents mettant en cause 340 multinationales dont Apple, Amazon, Pepsi, Ikea ou encore Deutsche Bank comme nous le racontions ici. Le consortium a d’ailleurs récidivé mardi dernier en révélant le nom de 35 nouvelles multinationales bénéficiaires de tax ruling dont Skype et Disney. Nouveauté dans ces révélations : le cabinet de conseil PwC n’est plus seul en cause puisque KPMG, Ernst & Young et Deloitte sont également concernés. Autrement dit, les Big Four au complet trempent dans ce système d'évasion fiscale à grande échelle.
Cette seconde vague de révélations a été publiée la veille de la prestation de serment de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne et ancien premier ministre luxembourgeois, dont la position est depuis fragilisée. Même si la motion de censure portée par les partis europhobes a été rejetée sans surprise, le président de la Commission est sommé de prendre des initiatives : selon Le Figaro cité plus haut, "le groupe socialiste, deuxième force politique à la Commission, a donné six mois au nouveau président pour mettre en œuvre les mesures nécessaires. «Si cela n'est pas fait, notre groupe ne pourra plus lui accorder sa confiance», a averti le président du groupe, Gianni Pittella."
Pour autant, à en croire Mediapart, "au parlement européen, les stratégies divergent pour comprendre le mécanisme des largesses fiscales, du Luxembourg comme de ses voisins européens". Pour l’heure deux rapports sur "l'équité fiscale" sont en cours, rapports soutenus par trois des principaux groupes du parlement : "le premier est censé faire l'inventaire des techniques d'évasion fiscale en place sur le continent. L'autre doit formuler des propositions législatives pour y remédier, et alimenter le débat avec la commission, qui planche déjà sur le sujet". Mais ces rapports sont trop peu ambitieux aux yeux des Verts, soutenus par la gauche unitaire européenne, qui demandent l’ouverture d’une commission d’enquête. Selon Mediapart, "depuis que le parlement de Strasbourg existe, il n'y a eu que trois commissions d'enquête de ce genre". Une quatrième en vue donc ? Ce n’est pas gagné : "140 élus ont jusqu'à présent signé le texte, alors qu'il est nécessaire d'en convaincre au moins 188 (un quart de l'hémicycle), pour franchir la première étape vers une telle commission".
Reste que l’affaire Luxleaks, ses vagues et ses rebondissements sont pour certains, comme les invités de notre émission consacrée au sujet, l’opportunité de voir la question de l’évasion fiscale mieux prise en compte par la Commission.