Longuet, héros silencieux

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Soyons justes: Dans le tourbillon incessant du vain bavardage médiatique

, il existe au moins un héros qui a compris, après Vigny, que seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse. Ce héros est notre ministre de la Défense, Gérard Longuet, revenu aux affaires après la démission de MAM, non sans avoir menacé Sarkozy, selon les chroniqueurs politiques, de lui "casser la gueule" s'il ne le nommait pas ministre. Nommé, donc, le 27 février, "l'ex-sénateur UMP Gérard Longuet s'applique à pratiquer le mutisme médiatique avec une rigueur absolue." soulignait hier Jean Guisnel, rubriquard spécialisé défense au Point.

"En vingt-quatre journées, il ne s'est pas exprimé une seule fois publiquement, ni à la radio, ni à la télévision, ni dans aucun média écrit. (...) Un ministre, surtout de la Défense, ne peut laisser croire qu'il n'a rien à dire en période de crise, sauf à accepter de disparaître totalement du paysage.

"Dans notre société médiatique, un politique existe aussi par le verbe, et le silence n'est pas nécessairement signe de sagesse. (...) Gérard Longuet n'est pourtant pas le caporal des douches : numéro trois du gouvernement, derrière Alain Juppé, il doit tenir son rang, montrer aux armées qu'il a du poids, et au pays qui ne le connaît pas qu'il tient son ministère d'une main ferme."


Et Guisnel, perfide, de formuler une autre hypothèse d'explication de ce mutisme: "À moins bien sûr que des difficultés d'un autre ordre gênent le ministre de la Défense : l'Express nous apprend ce mardi 22 mars que Laurence Zermati, la commissaire aux comptes de Sokrates Group, société dirigée par Gérard Longuet, a saisi en octobre le procureur de la République de Paris d'une "révélation", procédure judiciaire qui consiste pour un commissaire aux comptes à dénoncer les faits délictueux qu'il détecte." Et encore Guisnel ne cite-t-il pas toute la batterie de casseroles qui tintinabulent dans le sillage du ministre, dont la plus anodine n'est pas d'avoir défendu, au Sénat, les positions de GDF Suez, alors qu'il était payé, comme consultant, par cette entreprise.

Que croyez-vous qu'il arriva ? Au lendemain de la publication de cette inqualifiable perfidie Longuet accordait une interview au Figaro, et récidivait au micro d'Elkabbach sur Europe 1, jeudi matin, manière éclatante de signifier qu'il ne craignait aucune question, même les plus déstabilisantes. L'abondance de l'actualité ne permit d'ailleurs pas au journal de la maison Dassault, et pas davantage à la radio de la maison Lagardère, d'interroger le ministre des avions et des missiles sur les difficultés de Sokrates Group. Démonstration parfaite que les craintes de Guisnel étaient infondées. Longuet savait très bien qu'aucune question ne lui serait posée.

Mise à jour - 12h35 : Un internaute rigoureux nous signale que le ministre s'était déjà exprimé publiquement, à au moins deux reprises : le 2 mars, après le crash d'un Mirage 2000, sur France 3, et le 12 mars, lors d'un sommet européen sur la situation en  Libye.

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