Lobbying pro-qatari : doutes sur la plainte de Le Guen

Manuel Vicuña - - 0 commentaires


François Hollande a décidé de le déplacer.

Jusqu’ici secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement, le vallsiste Jean-Marie Le Guen a quitté ce poste au gré du mini-remaniement qui a suivi la candidature de Manuel Valls. Et c’est comme nouveau secrétaire d’Etat chargé du développement et à la Francophonie que Le Guen a tenté de désamorcer une question accusatrice du député LR Georges Fenech qui entendait bien "crever l’abcès".

En cause : un récent livre des journalistes Georges Malbrunot et Christian Chesnot, Nos très chers émirs (Michel Lafon, 2016) mettant explicitement en cause Le Guen. Fenech rappelle les accusations contenues dans le livre : "Vous auriez proposé, alors que vous étiez chargé des relations avec le Parlement, à l’ambassadeur du Qatar en France de lutter contre le Qatar-bashing." Fenech poursuit : "Pour ce faire, à l’Assemblée nationale, vous vous seriez fait fort d’écarter les questions d’actualité gênantes pouvant provenir des députés de gauche, mais à la condition qu’il fasse appel aux services d’une société de lobbying dirigée par l’un de vos proches avec un coût mensuel de prestations fixé à 10 000 euros." Et le député LR d’estimer: "Si ces faits étaient avérés, ils constitueraient un très grave système de corruption étatique."

Dans Nos très chers émirs, qui disséquait les relations incestueuses entre certains politiques français et le Qatar, Malbrunot et Chesnot racontaient comment le Guen aurait tenté, en vain, d’"imposer une agence de communication pour gérer des déclarations d'hommes politiques, pour contrôler un peu les déclarations au Parlement qui seraient critiques vis-à-vis du Qatar". Les auteurs faisaient par ailleurs référence à deux rendez-vous que Le Guen aurait eu à ce propos avec l’ambassadeur du Qatar.

Le Guen "ne répond pas sur le fond"

"S'agissant de ce livre, je vous dis tout de suite que bien évidemment j'ai porté plainte en diffamation" a d’emblée répondu Le Guen ce mercredi face à Fenech. "Je crois savoir d’ailleurs que le statut de l’Assemblée nationale, où la liberté de parole est totale, est telle que je n'ai pas la possibilité de porter plainte à votre égard, je le regrette beaucoup", a ajouté Le Guen, avant d’accuser l’un des auteurs du livre, Georges Malbrunot d’être "bien connu pour être l'un des porte-parole de Bachar Al Assad dans notre pays."

"Le Guen il crie fort mais c’est tout", réagit le journaliste Christian Chesnot contacté par @si : "C’est une façon de botter en touche. Il ne répond pas sur le fond. De notre côté, on persiste et on signe." Quant à la plainte que Le Guen affirme avoir déposée, le journaliste constate : "nous avons revérifié auprès de notre avocat. Pour l’instant, on n’a rien reçu".

Le Guen l’avait pourtant clamé haut et fort dès la sortie du livre, en octobre : "J'ai appris avec stupéfaction et consternation les allégations délirantes contenues dans le livre (...) évidemment, je porte plainte en diffamation", avait-il alors martelé.

Cités par Le Point, les avocats de Le Guen affirment qu'une plainte pour diffamation a été déposée le 27 octobre. Pourtant, hier encore sur le site du Point.fr, le coauteur du livre, Malbrunot faisait le compte. Sur l'ensemble des personnalités mises en cause "45 jours après la sortie du livre, nous avons reçu une seule plainte, elle émane de la sénatrice Nathalie Goulet." Quant aux autres mis en cause ? "Rachida Dati (l'ex-ministre de la Justice fait savoir au Point par l'intermédiaire de son avocat qu'elle a porté plainte, NDLR), Jean-Marie Le Guen, Nicolas Bays, ont déclaré à la sortie du livre avoir engagé une procédure judiciaire, mais pour l'instant, ces déclarations n'ont pas été suivies d'effet."


Dans cette interview au Point daté du 6 décembre, Malbrunot se dit notamment interloqué que Le Guen soit maintenu au gouvernement : "Le Qatar et d'autres monarchies du Golfe ont dû rire sous cape ce matin en apprenant son maintien au gouvernement. Il sera difficile ensuite à nos éminences de donner des leçons de bonne gouvernance à ces pays-là."

Dans leur livre, Malbrunot et Chesnot mettaient en cause plusieurs personnalités politiques de droite comme de gauche. Les auteurs y racontent que le député PS du Pas-de Calais Nicolas Bays aurait tenté, en vain, de "se faire inviter dans un hôtel de Doha" et de "se faire payer un billet d'avion sur Qatar Airways". Les deux auteurs évoquent également Dominique de Villepin, dépeint comme "un vieil ami de la famille régnante, qui fait beaucoup d'affaires au Qatar".Ils y affirment aussi que Rachida Dati aurait demandé à l'Ambassade du Qatar "pas moins de 400 000 euros pour son association", "un club des ambassadeurs". Quant à la sénatrice, Nathalie Goulet, elle "essuya, elle aussi, chaque fois, un refus clair et net (...) Elle a pourtant multiplié les demandes", écrivent les auteurs cités par Le Point.


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