L'iPad ? Pourquoi je suis agnostique.

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Il arrive. Il sera là demain, chez nous.

 

Célébrations attendues. Sceptiques s'abstenir. En France, les tapis rouges sont déroulés. De l'Obs au groupe Lagardère, les patrons de presse l'attendent comme le Sauveur : c'est l'iPad. Pour la presse en interminable naufrage, le dernier gadget d'Apple serait "la" solution au fléau de la gratuité universelle, qui la torture depuis dix ans. Voyez voyez, achetez, nos belles applis, débordant de "fonctionnalités". Voyez nos vidéos, nos diaporamas, nos sudokus.

Peut-être. Ici, sur ce site, évidemment, nous souhaitons de tout coeur que l'information se réinvente un modèle payant. La gratuité, comme je le rappelais l'autre jour un peu vivement à notre ami Pierre Haski, de Rue89, sur le plateau de Ligne j@une, n'est rien d'autre qu'un slogan. Ce que l'on appelle du doux nom de gratuité, c'est le financement publicitaire. Instiller dans le public que l'information peut être aussi gratuite que l'air qu'on respire, est une mauvaise action contre l'information. Si tu veux de l'information, cher public, de l'enquête, de l'analyse, il faut aller la chercher dans les profondeurs, la remonter à la force du poignet, la préparer, l'accomoder. C'est du travail, et de la qualification. Ca se paie.

Bien. Tout ceci rappelé, je reste sceptique sur la capacité de l'iPad, de sauver la presse. D'abord, tout bêtement, parce que je ne "sens" pas son format. Autant, à la première rencontre, j'ai été conquis par l'iPhone, vous m'auriez vu, une vraie midinette, un vrai coup de foudre, à vouloir que notre site ait son appli, là, tout de suite, autant le format de son grand frère (oui, j'ai eu l'insigne privilège d'en toucher un, pendant douze minutes) me laisse perplexe. Trop vite monté en graine, trop grand pour l'utilisation familière, instantanée, relâchée, totalement nomade. Trop grand pour la poche, pour le sac à main. Trop imposant pour se faire oublier. Et trop petit pour s'imposer dans une des pièces de la maison. Je peux me tromper, bien sûr, je ne prétends à aucune capacité prophétique, en matière de gadgetologie. J'ajoute que l'iPadolâtrie des patrons de presse me laisse aussi plus que sceptique. Si la presse veut qu'on l'achète, qu'elle commence par produire des enquêtes telles que celle de l'Independent, que signale ce matin Gilles Klein, sur...les conditions de travail chez les sous-traitants chinois d'Apple, justement, les journées de douze heures, les suicides. Il sera bien temps, ensuite, de voir sur quel support ces enquêtes se "déclinent".

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