Libye : Juppé remanié par BHL

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Le nouveau ministre des Affaires étrangères, le vrai, le fort, le tatoué

, celui qui rassemble les diplomates égarés ou indignés, aura donc duré exactement deux semaines. Ah, cette image impitoyable, saisie par France 2, de Juppé à Bruxelles, sortant de réunion avec ses homologues les clampins ministres, et découvrant sur une dépêche que la France reconnait seule le Conseil National de Transition de Benghazi, et va lui envoyer un ambassadeur (Boillon ?). On espère au moins que Sarkozy a tenté de le joindre sur son portable pour le prévenir qu'il était remanié, et remplacé par BHL. Il fallait mettre le vibreur pendant la réunion, Monsieur le sauveur ! Beauté du sarkozysme.

Jusque là, l'initiative se défend. Qu'il faille adresser aux rebelles de Benghazi, aux combattants aux pieds nus, un signal fort, comme on dit, franc, enthousiaste, qu'on puisse à la limite un peu forcer la main à l'Europe, oui, oui, oui. Que Sarkozy, ce faisant, brave les menaces de Kadhafi de révéler...

picto...un"grave secret" sur le financement de sa dernière campagne...

...bravo, quel panache ! Mais ce n'est pas tout. Même si l'Elysée ne l'a pas confirmé officiellement, Sarkozy aurait aussi annoncé aux dirigeants du Conseil National de Transition qu'il recevait hier que la France était éventuellement prête, seule, à aller bombarder les aéroports de Tripoli et de Benghazi. C'est le blog de Vincent Jauvert, de l'Obs, habituellement bien informé, qui l'assure. Seule ? Oui seule. Ou avec la Grande-Bretagne, comme 14. Et là, c'est évidemment autre chose.

Vive la France, donc, la France seule, la France la première, la France qui chasse "Kadhafi et sa clique" qu'on honorait voici trois ans, la France qui ne s'encombre pas d'ONU, ni d'OTAN, ni d'Europe, ni d'Allemagne, ni d'Ashton, ni de Merkel, ni de débat à l'Assemblée sur les limites, les risques, la stratégie, les objectifs, les modalités, ni de rien, ni de personne, Vive la France, qui n'avait pas assez de sa guerre ingagnable d'Afghanistan, et n'a rien de plus pressé que de se précipiter dans une nouvelle aventure imprévisible. Vive la France, qui n'a besoin de personne puisqu'elle a BHL, lequel ayant passé quelques heures à Benghazi, a désigné dans le JDD les bons et les méchants; puisqu'elle a Guetta lequel, ayant balancé sa chère Europe par dessus les moulins, joue chaque matin les va-t-en guerre à France Inter, depuis lundi. En regard de ses innombrables inconvénients, il fallait jusqu'ici reconnaître à Sarkozy une qualité: il restait un boutefeu essentiellement verbal. Il n'avait pas encore précipité le pays dans une aventure militaire. Heureuse nouvelle : il le démange de combler cette regrettable lacune.

Lire sur arretsurimages.net.