Libre-échange : les entreprises étrangères pourraient attaquer les Etats
Gilles Klein - - 0 commentairesLes entreprises vont-elles imposer leur loi aux Etats ? C'est la question que pose Jean Quatremer sur son blog, tout comme l'association Attac, mais aussi l'Humanité à la suite de l'accord de libre échange signé entre l'Union Européenne et le Canada.
Demain, les entreprises pourront-elles attaquer l'UE devant un tribunal arbital ? C'est la question qui sous-tend la note de blog publiée aujourd'hui par Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles. Personne, en dehors des négociateurs, n’a encore vu le texte définitif du traité de libre échange signé le 18 octobre entre l'Union Européenne et le Canada (dont @si vous parlait ici) remarque d'abord Quatremer. Mais, selon lui, des accords déjà signés avec la Corée du Sud et Singapour donnent une idée de son contenu, et c’est le mécanisme de règlement des différends entre les signataires qui l'inquiète. | Prospection de gaz de schiste au Canada |
Pour "trancher les litiges d’interprétation de ces textes, il est habituel de faire appel à des arbitres supposés indépendants et non à la justice de l’un des signataires. Le plus grave est que ce ne sont pas seulement les États qui pourront se poursuivre entre eux (...) Dans l’accord avec le Canada, cette possibilité est aussi ouverte aux entreprises sur le modèle de l’accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA ou NAFTA)."
Quatremer cite l'exemple de la firme américaine Lone Pine Resources Inc (enregistrée dans l'Etat américain du Delaware). "qui a attaqué le Canada, dont la province de Québec a décrété un moratoire sur l’exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, et demande des compensations pour les frais de recherche déjà engagés…" Selon lui, avec cette procédure "on risque donc d’assister au triomphe des intérêts privés sur l’intérêt public."
Un exemple aussi cité dans la lettre ouverte adressée, aujourd'hui, par Attac à Nicole Bricq, la ministre du Commerce extérieur. "Incapable de forer les fonds du fleuve Saint-Laurent, Lone Pine Resources, une compagnie battant pavillon américain, réclame pas moins de 250 millions de dollars à Ottawa. La compagnie menant l’essentiel de ses activités au Canada comptait exploiter le pétrole et le gaz de schiste logés sous le cours d’eau, mais a vu ses espoirs brisés par l’adoption de la loi limitant les activités pétrolières et gazières en juin 2011 à l’Assemblée nationale du Québec", expliquait le 4 octobre dernier le quotidien canadien Le Devoir.
Attac évoque aussi le gouvernement fédéral allemand qui se voit "poursuivi par l'entreprise suédoise Vattenfall pour sa décision de sortir du nucléaire". On note, au passage, que Vattenfall est le groupe énergétique public suédois. Déja en juin dernier, L'Humanité parlait des risques du "Marché transatlantique" avec "le choix de l’arbitrage ou la voie d’une justice privatisée".