Libé / Tunis : polémique sur un titre
La rédaction - - 0 commentaires"C'est fini la Tunisie, c'est fini le tourisme". Ainsi titrait Libération le 18 mars dernier, après l'attaque du musée Bardo, à Tunis, qui a fait 21 morts le 18 mars. Un titre changé quelques heures plus tard pour "On savait qu'ils frapperaient, mais ici...". L'auteure de l'article Élodie Auffray a été vivement critiquée en Tunisie. Pourtant, ce n'est pas elle qui a rédigé ce titre, comme elle l'a expliqué hier soir au Petit Journal.
Article d'Élodie Auffray pour Libération (18 mars 2015), avec le titre modifié
On l'oublie parfois, mais le journaliste qui écrit un article ne choisit pas forcément son titre. Le Petit Journal l'a rappelé lundi 23 mars à propos d’un article de la correspondante en Tunisie de Libération, Élodie Auffray. L'article, publié le 18 mars, portait sur l'attaque du musée Bardo à Tunis et était initialement titré "C’est fini la Tunisie, c’est fini le tourisme". Le site de Libération l'a ensuite modifié, quelques heures après sa publication, le remplaçant par : "On savait qu’ils frapperaient, mais ici…"
Pourquoi ce changement ? Le Petit Journal parle d'une "polémique" déclenchée par la première version, citant deux jeunes Tunisiens interrogés jeudi dernier par l'émission. L'histoire a même fait réagir, vendredi 20 mars, lors d'une allocution, le président tunisien Béji Caïd Essebsi. Manifestement en colère contre les propos de la journaliste, il s'est adressée directement à elle : "C'est vous qui êtes finie, nous, nous sommes là".
Sauf que le titre n’était pas le choix d'Auffray, mais celui de la rédaction de Libération à Paris, explique le reporter Romain Hary sur le plateau du Petit Journal. La phrase n'était d'ailleurs pas directement de la journaliste, mais une citation d'un guide touristique interrogé par Auffray, et qui était encore "sous le coup de l'émotion", comme il l'explique lui-même dans l'article. Le nouveau titre est également une citation, celle d'une lycéenne cette fois. Libération s'est justifié de cette modification, expliquant qu'il ne "s'agissait en aucun cas de stigmatiser le pays ou de dissuader les touristes de s'y rendre".
En attendant, l'histoire a valu à Elodie Auffray une cascade de "menaces", raconte Le Petit Journal. Interrogée par le site Al Huffington Post, déclinaison en français pour les pays du Maghreb du Huffington Post, la journaliste a évoqué vendredi dernier avoir reçu "plus de 150 messages Facebook", et sur Twitter, les messages critiques parfois violents ont également afflué. Auffray reconnaît "la maladresse du titre, [mais cela] ne justifie pas l'acharnement", estime-t-elle.
Article d'Élodie Auffray avec le titre d'origine, suivi de la réaction de la députée Ennahdha Sayida Ounissi
(Source : Al Huffington Post, 19 mars 2015)
Pour conclure la polémique, Auffray a publié ce matin sur le site de Libération un "Making of" pour "clarifier quelques points" face aux "menaces personnelles" qu'elle a reçues. "Comme le veut l’usage, j’envoie mon texte brut et c’est la rédaction de Paris qui choisit le titre", explique-t-elle, assurant qu'elle comprend "la peine, l'incompréhension, la déception, la colère suscitées par ce titre". Elle considère cependant que cette histoire a pris "des proportions injustifiées" face à une journaliste "qui ne fait que rendre compte de ce qu'elle voit et entend".
(Par Juliette Gramaglia)