L'éternel retour des Roms

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Tiens, les Roms sont de retour, dans les "TT" de Twitter.

Les "TT", ce sont les sujets les plus tweetés du moment. Les Roms ? Alors que télés et radios ne parlent que de l'Ukraine, des Césars, des Oscars et des selfies des Oscars ? Oui, les Roms. Un candidat FN dans le 6e arrondissement de Paris a parlé de "camps", et voilà Twitter en ébullition. Evidemment,le mot "camps", sous la plume de Paul-Marie Coûteaux, est contenu dans une phrase assez alambiquée pour permettre tous les démentis ultérieurs. Le 6e arrondissement de Paris est un territoire intellectuel, où les choses ne se disent pas en phrases de moins de cinq lignes, et de préférence avec des passés simples, et sous une photo de l'Académie. N'empêche qu'il a parlé de camps, et que Twitter interpelle Marine Le Pen.

Tiens tiens, l'entrée Roms propose un autre sujet du jour. Christophe Lamarre vient d'être suspendu deux mois. Vous ne connaissez pas Christophe Lamarre ? C'est un médecin de Roubaix. La presse locale l'appelle "le médecin des Roms", parce que ça fait de jolis titres, et parce qu'il a recueilli sur le trottoir une famille Rom, pour l'installer dans son ancien cabinet. Eh bien, le Conseil de l'ordre vient de le suspendre deux mois, après enquête de la Sécu. Pas de rapport avec les Roms, certes. Enfin, pas de rapport direct. Lamarre est suspendu deux mois, pour "exercice potentiellement dangereux de la médecine, pouvant entrainer un danger pour les patients." Entendez qu'il a tourné plusieurs années à 75 consultations par jour, quand la moyenne nationale est de 24. Pourquoi ? Christophe Lamarre exerce dans un quartier de Roubaix qui compte deux médecins pour 10 000 habitants. Salle d'attente bondée en permanence. "Ce n'est pas normal d'avoir encore des patients à 4 heures du matin, dit-il à La Voix du Nord, mais personne nevient s'installer ici". Que faire ? Expulser les malades ? Bref, deux mois de suspension. Et tant pis pour les collègues, qui vont voir se déverser sur eux le surplus de malades. Pour aggraver son cas, Lamarre est une forte tête, qui ne peut pas s'empêcher de tweeter des grosses blagues quand il est convoqué au Conseil de l'ordre.

Pas un mot sur la suspension du Docteur Lamarre aux radios du matin, ni dans les journaux du jour, qui préfèrent savourer le naufrage de Copé. Mon ami Patrick Cohen ne l'a pas invité. Lamarre n'est pas une vedette. Pas encore (il pourrait le devenir, il est déjà passé à Envoyé Spécial). Patrick Cohen a préféré inviter Daniel Cohn-Bendit, qui n'est pas la moitié d'un cerveau malade, puisqu'il a trouvé la solution à la crise ukrainienne : que toutes les sociétés civiles européennes s'organisent pour boycotter la coupe du monde de foot en Russie dans quatre ans, et alors vous verrez la tête de Poutine (je ne plaisante pas, je n'en rajoute pas. Il était vraiment invité sur France Inter, et c'est vraiment sa solution). Mais les réseaux sociaux offrent aujourd'hui une r hiérarchie de l'info alternative. On va dire qu'elle en vaut une autre.

Mise à jour, 20 mars. Nous recevons de M. Coûteaux le droit de réponse ci-dessous.

Dans vos éditions du 4 mars, vous avez repris une dépêche AFP qui déforme gravement une entrée de mon blog sur plusieurs points : d'abord, je n'ai jamais parlé de lèpre ni d'invasion à propos des roms, me bornant à reprendre la phrase d'une électrice qui utilise ces mots, écrits donc entre guillemets. D'autre part, je n'ai pas demandé la construction des camps, regrettant au contraire que la situation créée par l'ouverture des frontières (à laquelle je me suis opposé en tant que député européen) accule le ministre de l'intérieur à recourir à de tels camps, solution que je qualifie d'"extrémité", la jugeant attentatoire aux droits humains comme à la dignité nationale - mais hélas inscrite, ironiquement, dans la logique de la dissolution des frontières. Par ailleurs, si j'ai formulé un regret, ce n'est pas d'avoir tenu ces propos, mais qu'ils aient été déformés. Enfin, je ne suis pas candidat FN, et préside un parti indépendant, le SIEL, allié à ce dernier au sein du RBM.

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