Les médias US débattent du terme "immigrant illégal"
Gilles Klein - - 0 commentairesLa campagne menée par plusieurs associations contre les discriminations commence à porter ses fruits. Après d'autres médias, l'agence de presse américaine Associated Press (AP), n'utilisera plus le terme "immigrant illégal" qui est banni de son vocabulaire, la médiatrice du New York Times approuve cette décision, mais le journal lui n'a, pour l'instant, rien décidé.
C'est une petite révolution. Cette semaine l'agence AP annonce qu'elle invite ses journalistes à ne plus employer le terme "illegal immigrant" (immigrant illégal). Et elle affirme que ce terme n'apparaîtra désormais plus dans son Style Book, son guide du vocabulaire de l'agence. Kathleen Carrol, vice présidente d'AP, remarque d'ailleurs que cela sera moins facile pour les journalistes, qui devront employer d'autres termes plus longs et plus nuancés. Mais à ses yeux, la facilité c'est l'imprécision. |
AP est une coopérative à but non lucratif soutenue et utilisée par 1 400 journaux et magazines, américains ainsi que plus de 5 000 stations de radio et de télévision. Le Style Book, son vocabulaire de 400 pages est aussi vendu en librairie à des centaines de milliers d'exemplaires chaque année. Cette décision aura donc un fort impact aussi bien que chez ses adhérents/clients que dans le reste de la profession. En octobre 2012, l'agence AP avait défendu l'emploi du terme "illegal immigrant" considérant qu'il ne faisait que noter le caractère illégal de leur séjour. |
Cette décision prise par AP intervient alors que depuis 2010, plusieurs associations ont lancé le débat sur l'utilisation du terme "illegal immigrant" (immigrant illégal ou immigré clandestin) avec la campagne "Drop the I-Word" - abandonnez le I-mot -(allusion au F-Word, pour Fuck - enculé - banni du vocabulaire médiatique). Pour elles, c'est un terme à connotation raciste et xénophobe qui doit être banni. |
Emboîtant le pas du mouvement, la Society of Professional Journalists (SPJ) a adopté une résolution en 2011 invitant ses membres à ne plus utiliser le terme "illegal alien" (étranger illégal). Et plusieurs médias comme le quotidien Miami Herald, la chaîne Fox News Latino, ou ABC News ont aussi abandonné le "I-Word". |
"Nous sommes Américains. Mais pas légalement" titrait l'hebdomadaire Time le 25 juin 2012 avec une contribution, annoncée à la Une, de Jose Antonio Vargas, journaliste (désormais indépendant) qui combat, lui aussi l'emploi du I-Word, via son association Define American. Dans Time, Vargas évoquait son cas personnel : "Je suis né aux Philippines, un ancien territoire américain, et j'ai déménagé aux Etats-Unis quand j'avais 12 ans. J'ai découvert que j'étais sans papiers - que je n'ai pas les documents appropriés - après avoir tenté d'obtenir un permis de conduire à 16 ans". Il a connu une très belle carrière de journaliste, en travaillant entre autres, au Washington Post, où il faisait partie de l'équipe qui a décroché un prix Pulitzer pour son enquête sur le massacre de Virginia Tech (32 morts, 17 blessés le 16 avril 2007) commis par un seul tireur qui s'est ensuite suicidé. Puis en juin 2011, près de 20 ans après son arrivée aux USA, il révélait dans un long témoignage publié par le New York Times Magazine, qu'il était un immigrant sans papiers, avec une fausse carte verte, un faux passeport, et un vrai permis de conduire |
La médiatrice du New York Times avait abordé le sujet de l'I-Word en septembre 2012. Julia Preston, spécialiste de l'immigration au journal considérait, elle, que le terme était neutre. Cette semaine après la décision d'AP, la médiatrice est revenue sur le sujet en expliquant qu'après avoir défendu l'emploi de ce terme, sa position avait évolué. Elle indique toutefois que le New York Times ne suit pas la décision d'AP et continuera à l'utiliser mais espère que journal abandonnera progressivement ce terme. |
Enfin, pour sa part, CNN, la chaine d'information permanente, très présente à l'étranger, n'emploie pas le terme "illegal", elle lui préfère "undocumented immigrant" (immigré sans papiers).