Les investisseurs étrangers boudent-ils la France ?
Anne-Sophie Jacques - - 0 commentairesPuisqu’on vous dit que notre économie part en sucette !
La preuve ? Les investissements directs de l’étranger (IDE) en France ont chuté de 77% l’an passé selon le rapport de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced). Une chute vertigineuse auscultée jeudi dernier par François Lenglet dans sa chronique de RTL qui égrène à cette occasion les raisons de cette débandade franco-française : une croissance nulle, une compétitivité dégradée, la taxe à 75% sur les hauts revenus payée par les entreprises, les menaces de nationalisation de Florange, les occupations de sites par les salariés… autant d’arguments qui donnent "l’image d’une France hostile au business". Sans compter que "nous sommes trop chers par rapport à l’Espagne et pas assez performants par rapport à l’Allemagne". On se pend à quelle heure ?
Or, comme le fait remarquer l’économiste Alexandre Delaigue sur son blog ce week-end, les données de la Cnuced sont à prendre avec des pincettes. Selon la Tribune, la Cnuced elle-même "met en garde contre les conclusions hâtives faisant suite à la publication de ces données. Il suffit en effet d'une grosse acquisition pour que l'investissement d'une année à l'autre change radicalement". D’ailleurs, ajoute Delaigue, "si vraiment les IDE d'une année sur l'autre étaient significatifs, il faudrait surtout s'interroger pour la Suisse, dont les IDE entrants ont diminué de 98% si l'on en croit le même rapport !" L’économiste s’interroge alors : "personne n'a écrit que l'attractivité française s'effondrait en 2008 (-50%) ; ni que la France avait redoré son blason de manière éclatante en 2011 (+74%). Mais cette année, le chiffre est «inquiétant». Pourquoi ?" |
En cause : le fameux biais de confirmation dont il fut question dans notre dernière émission. D’après Delaigue, nous appréhendons la réalité sous forme de récit (biais de narration) et "lorsque de nouvelles informations nous parviennent, nous sélectionnons et ne retenons que celles qui viennent confirmer le récit d'origine, en excluant automatiquement toutes les autres" (biais de confirmation). Dans le récit de notre marasme économique, "les capitaux fuient la France, l'homme malade de l'Europe, le pays incapable de se réformer contrairement à tous les autres qui ont fait «le nécessaire». Au lieu de faire des efforts, les français ont préféré voter pour des socialistes qui ne savent que voter des hausses d'impôt et faire fuir les entreprises."
Un biais de confirmation qui vient conforter la narration de Lenglet… mais aussi de Delaigue. De son propre aveu, ce dernier a en effet succombé à ce biais dans une interview donnée vendredi au site Atlantico. Même s’il reste prudent sur cette chute des investissements qui ne représente pas grand-chose, Delaigue admet toutefois que les investisseurs étrangers choisissent des pays à la fiscalité plus attractive. Sous-entendu : la nôtre ne l'est pas. On apprend au passage que "90% du viagra consommé dans le monde était autrefois produit en France ; cette production est désormais partie en Irlande ou la fiscalité est plus attrayante". Enfin, comme Lenglet, Delaigue estime que l’image du pays compte beaucoup et, dans ce registre, les séquestrations de patrons relayées par la presse étrangère peuvent freiner l’enthousiasme des investisseurs.
Moralité : c’est dur de ne pas se laisser biaiser.