Les impostures du témoin idéal de la presse US
Gilles Klein - - 0 commentairesD'un côté responsable marketing chez American Apparel (une chaîne américaine de magasins de vêtements), de l'autre imposteur. Comme le signale LeFigaro.fr, Ryan Holiday se proposait comme témoin dès qu'un journaliste américain en cherchait un, quel que soit le domaine concerné par l'article, et inventait des réponses. Holiday le raconte dans un livre, il a même piégé le New York Times.
"Faites-moi confiance, je mens - Confession d'un manipulateur des médias" : c'est le titre du livre, sorti mi-juillet, dans lequel Ryan Holiday, 25 ans, raconte comment il a manipulé les journalistes. Une bonne opération pour l'affabulateur, qui aurait touché 500 000 $ de son éditeur. Holiday a berné des journalistes et des blogueurs qui recherchaient des témoignages via le réseau social HARO (Help A Reporter Out, "Aidez un reporter") où beaucoup de médias américains lancent des appels à témoins pour enrichir le contenu de leurs articles. Holiday a régulièrement répondu en inventant des réponses sur n'importe quel sujet. Dans une interview donnée à l'occasion d'un congrès internet au Brésil, Holiday explique qu'il a voulu dénoncer un système qui oublie l'éthique au profit de l'audience, qu'il s'agisse de journaux ou de sites Internet animés par des blogueurs ou des professionnels. Holiday s'explique aussi sur le site du magazine Forbes. Selon lui, la facilité à faire avaler n'importe quoi à un journaliste est due au fait que "l'information est vue non pas en fonction de ce qui est important, mais en fonction du nombre de clics des lecteurs". |
New York Times 19 juillet 2012 | Le New York Times du 19 avril (version papier) a ainsi publié un article sur le renouveau des tourne-disques avec la mode du vinyle. Ryan Holiday y expliquait pourquoi il préférait ces disques à la musique numérique et au CD, alors qu'en fait il ne possède même pas de tourne-disques. La version en ligne a depuis été modifiée, et les citations d'Holiday n'apparaissent plus. Sous l'article, la rédaction explique qu'Holiday lui a menti après avoir été contacté via un site internet. Le 19 juillet, le quotidien a publié un tout petit avis en page 2 (où sont signalées chaque jour erreurs et corrections),expliquant qu'Holiday a menti à plusieurs médias sur divers sujets. |
Autre exemple : dans une dépêche de l'agence Reuters du 10 janvier dernier, titrée "Pourquoi les jeunes épargnants fuient la bourse" on retrouve Ryan Holiday, cité comme ailleurs sous son vrai nom, qui explique que le "portefeuille d'actions de ses parents a été ravagé par la crise et que lui-même ne veut pas jouer aux dés avec l'argent qu'il a mis de côté". Sur le site ABC News un article sur les effets de l'insomnie commence par une note de la rédaction indiquant que "le texte commençait par une anecdote racontée par un homme qui prétendait souffrir d'insomnie", mais qu'ABC News a supprimé cette partie de l'article après avoir appris qu'il s'agissait d'un faux témoignage. Roy Furchgott, un des journalistes du New York Times (cité par le site Forbes) assure que le fait de tromper un journaliste n'est pas nouveau, que c'est regrettable mais banal, et que cela existait avant Internet et les blogs. |