Les bibliothèques se désabonnent des revues scientifiques
La rédaction - - 0 commentairesVers une pénurie de revues scientifiques dans les universités françaises ? Depuis le début d'année, plusieurs bibliothèques universitaires ont décidé de se désabonner de revues scientifiques majeures. Ces bibliothèques sont prises entre deux feux : la baisse des budgets et l'augmentation des tarifs des éditeurs.
"Depuis des années, nous criions au loup. Maintenant nous sommes proches d’un point de rupture", alerte Christophe Pérales, dans LeMonde. Le président de l’Association des directeurs et personnels de direction des bibliothèques universitaires et de la documentation déplore qu'un nombre toujours plus important de bibliothèques universitaires soit contraintes de ne pas renouveler leurs abonnements à plusieurs revues scientifiques majeures. Il réfute une " vague massive de désabonnements", mais insiste sur des "marges qui se réduisent". Depuis de nombreux mois déjà, les tensions et les désaccords se multiplient. David Monniaux, directeur de recherche au CNRS, explique dans une tribune que "jadis, les revues étaient souvent publiées par des universités, des sociétés savantes, ou de petits éditeurs spécialisés". Aujourd'hui, pour lui, "quelques grands groupes (Reed-Elsevier, Springer, etc.) se partagent l'essentiel du marché ; une université s'abonne à des "bouquets" proposés par ces éditeurs, dont le coût annuel, par bouquet, se mesure en dizaines voire en centaines de milliers d'euros". |
Il déplore que "les éditeurs ne rémunèrent ni les auteurs, ni le comité éditorial, ni les experts". Il dénonce en somme un système où le prix d'abonnement des journaux, en hausse de 5 à 15%, augmente bien plus vite que l’inflation.
Dans le monde des publications scientifiques, la tension est la même aux quatre coins du monde. Ainsi, Outre-Atlantique, les abonnements de l'Université de Montréal à 1 142 périodiques de la collection Wiley Online Library ont été annulés à la fin du mois de janvier. Dès avril 2012, la bibliothèque d'Harvard (oui, même Harvard est touchée par la crise!) a mis en ligne un mémorandum sur le prix exorbitant des revues scientifiques. Le texte, très engagé, encourage les chercheurs à se tourner vers les revues en libre accès ("open access"). |
Le libre accès est-il la solution ? Dans un article de Rue89, Laurence Bianchini, du réseau social scientifique professionnel, MyScienceWork.com, spécialisé dans le libre accès , dresse la liste des conflits entre les éditeurs, le Consortium Couperin, et les universités. Le 13 janvier, l'Université Paris VI - Pierre et Marie Curie (UPMC) annonce n'être "plus abonnée à la version électronique de la revue Science ". L'établissement précise que "malgré l’importance de cette revue pour la communauté scientifique, cette décision a été prise en raison de l’augmentation inacceptable imposée par l’éditeur (AAAS) du tarif pour 2014". Après une première proposition à +100%, l’éditeur est revenu à une offre plus "raisonnable" à +47%. Quelques jours plus tard, l'Université Paris-V - Descartes annonce elle aussi s'être désabonnée de 34 titres. Le 15 janvier dernier, sur le site de l'École Nationale Supérieure des Sciences de l'Information et des Bibliothèques (L'ENSSIB), un article titré "Massacre dans les bibliothèques"relate que la Bibliothèque interuniversitaire de santé (BIUS) - bibliothèque de référence en France – a annoncé sur son blog une vague de désabonnements pour contraintes budgétaires.
Les archives et publications ouvertes, notamment sur le Web grâce au libre accès sont selon un nombre croissant de chercheurs, une alternative aux grands groupes d'éditions scientifiques. Aujourd'hui, seuls 15 % à 20 % des publications sont en libre dépôt.. Depuis le début de l'année, la liste des universités qui renoncent et abandonnent à une partie de leurs abonnements s'allonge de semaine en semaine – Paris-VI, Lille, Paris-VII, Nantes, Angers, etc. - au point que Le Monde se questionne : "Tournant ou phénomène passager ?".
L'occasion de relire notre enquête de 2010 sur la révolte des chercheurs :"Depuis janvier, les chercheurs en rébellion ouverte contre leurs éditeurs".
Par Antoine Boyet