L'éditeur Springer piégé par des études bidon

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Être publié en quelques clics dans de prestigieuses revues scientifiques, c'est possible. Le 25 février, l’éditeur allemand Springer a été contraint de retirer de ses archives seize fausses études scientifiques, pourtant présentées lors d'importantes conférences scientifiques. Générées par un logiciel, SciGen, les études étaient totalement bidon... La supercherie a été découverte par un universitaire français et l'histoire, racontée par la revue Nature, nous a été signalée par un @sinaute.

Entre 2008 et 2013, de fausses études ont été présentées dans de nombreuses conférences sur les sciences de l’informatique et l’ingénierie. C'est ce que vient de révéler la revue Nature. Mais cela ne s'est pas arrêté là. En effet, par la suite, l'éditeur allemand Springer a publié des compte-rendus de ces fausses études.

Springer a été la victime collatérale d'un projet étudiant, intitulé SCIgen, visant justement à critiquer et à tester le contrôle du secteur universitaire concernant les sujets d'étude."SCIgen a été conçu en 2005 par trois étudiants [du MIT] qui avaient réussi à faire accepter leurs absurdités informatiques à des conférences avant de dévoiler leur arnaque, dans le but de démontrer les failles du système", précise l’AFP. Ce logiciel permet donc de créer en moins de deux minutes de fausses études de 5 ou 6 pages, en respectant au mieux le jargon des publications spécialisées. SCIgen permet également d’agrémenter les résumés d'études scientifiques avec des graphiques, des citations et même une bibliographie... Sauf que, créés artificiellement, ces résumés d'études sont bien évidemment totalement incompréhensibles, certaines phrases n'ayant même aucun sens. Une lecture attentive permet rapidement de déceler la supercherie. SCIgen est toujours accessible sur le site internet du MIT de Boston.


@si s'y est même essayé. Et a réalisé une étude scientifique de premier ordre !


picto Pour le plaisir, vous pouvez retrouver "ma dernière étude" en Pdf (promis, elle ne sera jamais publiée ailleurs que sur cette page) ou même en faire une par vous-même (deux minutes top chrono)

Evidemment, Springer a réagi. "Nous sommes en train de retirer tous les papiers, aussi vite que possible (...), car il s’agit d’un tissu d’absurdités (...). Nous examinons nos procédures pour trouver les failles qui ont permis à une telle chose de se produire (...) Il y aura toujours des individus qui tenteront de saper les procédures en vigueur pour prouver quelque chose ou en tirer un bénéfice personnel. Malheureusement, l’édition scientifique n’est pas immunisée contre la fraude, pas plus que contre les erreurs", précise le texte adressé par l’éditeur à l’AFP, sans davantage d’explication.

C’est le chercheur français Cyril Labbé, de l’Université Joseph Fourier à Grenoble, qui a découvert la supercherie. Labbé est un spécialiste de la "fouille de texte", il étudie notamment les moyens de dénicher les fausses études. Selon lui, l'éminent Institute of Electrical and Electronic Engineers (IEEE) de New York se serait également fait piéger par ce genre de logiciel et aurait publié des études complètement bidon. Ainsi, en plus des seize articles parus dans des publications de Springer, ce sont donc plus de 120 articles des services d'abonnement de l'éditeur allemand et de IEEE qui ont été supprimés, car relevant de ces supercheries.

Springer et IEEE ne sont pas les seules victimes du phénomène : le site Nature explique que des dizaines de documents générés par SciGen sont disponibles en ligne, notamment sur Google Scholar, et que bien d'autres logiciels sont en circulation.

Une occasion de relire nos deux enquêtes sur les éditeurs de revues scientifiques: "Des chercheurs refusent d'être «pistés» par l'éditeur scientifique Elsevier" et "Depuis janvier, les chercheurs en rébellion ouverte contre leurs éditeurs".

Par Antoine Boyet

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