Le Washington Post veut voir Snowden (sa source) condamné
Robin Andraca - - 0 commentairesLe Washington Post appelle à condamner sa propre source. Dans un éditorial remarqué outre-Atlantique, le quotidien de Jeff Bezos, qui avait publié en 2013 plusieurs documents fournis par le lanceur d'alerte et reçu un prix Pulitzer pour son travail sur ce sujet, appelle à ne pas pardonner à Snowden.
Faut-il "pardonner" à Snowden, qui en 2013 a révélé les détails de plusieurs programmes de surveillance de masse américains et britanniques ? Alors qu'une nouvelle campagne en ligne réclame le pardon présidentiel pour le lanceur d'alerte américain réfugié aujourd'hui en Russie, la question se pose aux Etats-Unis. Plus particulièrement aux médias américains qui avaient rendu publiques ces informations classées top secrètes, le Washington Post et le New York Times.
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En ouvrant ses colonnes aux organisations de défense des droits de l'homme Human Rights Watch et Amnesty International, le Times semble avoir choisi son camp. Au Royaume-Uni, le Guardian, à la pointe du sujet en 2013, avait appelé, dès janvier 2014, au pardon.
New York Times, 15/09/2016
Ce n'est pas l'avis du Washington Post. Dans un éditorial publié samedi 17 septembre, intitulé "Pas de pardon pour Edward Snowden", l'équipe d'éditorialistes du quotidien répond "non" à cette "question compliquée". Si le journal reconnaît que la fuite orchestrée par le lanceur d'alerte a ouvert la voie à une réforme utile des agences de renseignement américaines, il reproche à l'ancien employé de la NSA d'avoir fait fuiter des informations sensibles autour du programme de surveillance PRISM, "causant ainsi des dommages importants à la sécurité nationale des Etats-Unis". "Il a aussi rendu publics les détails d'opérations internationales de renseignement : la coopération avec les services scandinaves contre la Russie ; l'espionnage de la femme d'un assistant d'Oussama Ben Laden ; et certaines cyber-attaques contre la Chine", écrit le Post.
Autant d'éléments susceptibles, selon le quotidien, de mettre en danger la sécurité nationale des Etats-Unis. Pour le Post, la meilleure solution pour régler la situation de Snowden serait qu'il accepte "une transaction pour laquelle il reconnaîtrait sa culpabilité tandis que le gouvernement américain pourrait faire preuve de clémence à son endroit". Pour le quotidien, "un pardon pur et simple accordé au lanceur d'alerte donnerait un mauvais signal".
Mais comme l'a noté le journaliste Glenn Greenwald, à l'origine des révélations de Snowden, c'est le Post, en premier qui a révélé les détails de l'opération PRISM, lequel prévoit le ciblage de personnes vivant hors des Etats-Unis. Un article, parmi d'autres (tous publiés avant le rachat par Jeff Bezos du quotidien), qui avait permis au journal de remporter, l'année suivante, le prix Pulitzer dans la catégorie "Service public".
"Si la rédaction du Post croit vraiment que PRISM était un programme complètement légitime, et qu'en révéler les détails ne présentait aucun intérêt, ne devraient-ils pas plutôt attaquer leur propre journal, pour avoir choisi de rendre cette information publique ?", écrit Greenwald sur son site The Intercept. Pour le journaliste, le Post est entré "dans l'histoire" en demandant de poursuivre l'une de ses sources. "Après s'être prélassé dans la gloire des récompenses et des accolades, et bénéficié de millions et de millions de clics, les rédacteurs en chef du Post veulent désormais voir leur source, la même qui a permis de débloquer tout cela, dans une cage américaine, marquée du sceau de criminel".