Le réchauffement et la petite Fiona

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Bien sûr, ils en ont parlé. On ne peut pas dire que le système ait passé sous silence, la semaine dernière, le dernier rapport du GIEC

, confirmant notamment que l'activité humaine était bel et bien à la base de la moitié au moins du réchauffement planétaire. Le Monde, notamment (récemment soupçonné de restreindre sa couverture de l'écologie après le départ de Hervé Kempf) a amplement couvert l'événement, insistant par exemple sur les réactions (ou l'absence de réactions) en Chine et au Brésil, et révélant que les précédents rapports du GIEC avaient plutôt minimisé qu'amplifié la menace de réchauffement.

Des articles, des reportages, des compte-rendus, mais avez-vous senti le débat électriser le système tout entier, comme d'autres sujets ? Avez-vous vu les directs haletants des envoyés spéciaux attendant d'heure en heure la publication du rapport ? Avez-vous vu d'insolents reporters poursuivre les dirigeants politiques dans les couloirs pour leur extorquer une réaction ? Avez-vous entendu les auditeurs interpeller les ministres aux radios du matin, comme sur les Roms, le travail du dimanche, ou la qualité des garderies du mercredi ?

Pour ne pas parler de la petite Fiona. En voilà, un sujet qui a électrisé le système, et qui a maintenu au poste les envoyés spéciaux de BFM, en dehors des heures ouvrables. Mais la faute à qui ? A BFM, ou au public de BFM ? Comme le rappelle opportunément le blog Crêpe Georgette, si vous avez été submergés d'infos et d'images sur la monstrueuse maman de la petite Fiona, si les envoyés spéciaux ont tenu avec les gendarmes la pelle qui cherchait le corps, c'est parce que vous regardez, parce que vous cliquez. Regardez-moi dans les yeux : si je n'avais pas, avec fourberie, titré cette chronique sur la petite Fiona, l'auriez-vous ouverte ?

Soyons justes : vous pouvez aussi cliquer sur le réchauffement, si on sait vous en parler gentiment. Il est probable que cet article du matin sur le koala, par exemple, menacé d'extinction, fera davantage de clics que les austères résumés du rapport. C'est si mignon, un koala ! Peut-être, en nombre de clics, égalera-t-il cette anecdote bouleversante, du météorologue qui a fondu en larmes à la lecture du rapport, et juré de ne plus jamais prendre l'avion. On peut parier en tout cas qu'il fera davantage de clics que la nouvelle de la nouvelle fuite radioactive à Fukushima. Sauf si, d'une manière ou d'une autre, elle menaçait les koalas.

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