Le Petit Chaperon rouge et le calibre 5,56
Alain Korkos - - Silences & censures - 0 commentaires
Défaite politique pour Barack Obama qui, hier mercredi, a vu rejetée sa proposition d'amendement proposant la vérification des antécédents judiciaires et psychiatriques des futurs acheteurs d'armes.
"La réforme des lois sur les armes promue par le président Barack Obama a subi mercredi un échec sévère, quatre mois après l’électrochoc du massacre de l’école de Newtown, avec le rejet d’une des mesures principales par le Sénat américain. Quatre élus du parti démocrate du président ont fait défection et rejoint les républicains pour voter contre un amendement qui aurait imposé des vérifications d’antécédents judiciaires et psychiatriques avant les achats d’armes sur internet et dans les foires spécialisées." (Extrait d'un article AFP repris par plusieurs quotidiens.)
Dans le même temps, une association étazunienne baptisée Moms Demand Action for Gun sense in America lançait une nouvelle campagne sur l'interdiction des armes à feu avec trois affiches et une vidéo. Voici les trois images (également visibles par ici, alors que la vidéo est visible par là) :
Le texte en haut de l'affiche dit : "One child is holding something that's been banned in America to protect them. Guess which one." (Un enfant tient dans ses mains un objet qui a été interdit en Amérique, pour leur sécurité à tous. Devinez lequel.)
Le texte en bas de l'affiche dit : "We ban the game dodgeball because it's viewed as being violent. Why not assault weapons?" (Nous avons interdit le jeu de la balle au prisonnier, considéré comme violent. Et pourquoi pas les fusils d'assaut ?)
Le jeu de la balle au prisonnier commence en effet à être interdit dans les écoles publiques américaines.
Le texte en bas de l'affiche dit : "We won't sell Kinder chocolate eggs in the interest of child safety. Why not assault weapons?" (Nous ne vendons pas d'oeufs Kinder, pour la sécurité de nos enfants. Et pourquoi pas les fusils d'assaut ?)
Les oeufs Kinder Surprise sont interdits à la vente aux USA.
Le texte en bas de l'affiche dit : "We keep 'Little Red Riding Hood' out of schools because of the bottle of wine in her basket. Why not assault weapons?" (Nous avons ôté Le Petit Chaperon rouge des écoles, à cause de la bouteille de vin dans son panier. Et pourquoi pas les fusils d'assaut ?)
La version du conte que tient la gamine de gauche est celle de Trina Schart Hyman, parue en 1983 (les éditions Le Genévrier en proposent une traduction française) :
Elle a été censurée dans les écoles publiques outre-Atlantique au prétexte que l'héroïne, prénommée ici Elisabeth, apporte une boutanche de rouge à sa mère-grand qui lève volontiers le coude. Encore heureux que les censeurs amerlocains n'aient pas lu LaPsychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim parce que sinon, ce sont toutes les versions du Petit Chaperon rouge qu'ils auraient bannies : "Tout au long du conte, et dans le titre comme dans le nom de l'héroïne, l'importance de la couleur rouge, arborée par l'enfant, est fortement soulignée. Le rouge est la couleur qui symbolise les émotions violentes et particulièrement celles qui relèvent de la sexualité. (…) Le danger qui menace la petite fille, c'est sa sexualité naissante, car elle n'est pas encore assez mûre sur le plan affectif."
Quelques illustrations issues de cette réjouissante version étazunienne :
Et glou et glou et glou…
À la fin de l'histoire, le petit Chaperon rouge s'en retourne chez elle en se promettant d'obéir à sa mère, de ne plus traîner dans la forêt. Et elle s'offre quelques miettes d'autosatisfaction en se disant que malgré les circonstances, elle n'a jamais abandonné ses bonnes manières et a toujours dit "Bonjour", "S'il vous plaît" et "Merci". Un argument qui n'a pas su convaincre…
L'occasion de lire ma chronique intitulée Les fabuleuses aventures des trois (petits) cochons dans l'espace inter-iconique.