Le Monde / tablettes : divergence Niel-Nougayrède
Sébastien Rochat - - 0 commentairesY a-t-il encore un pilote au Monde ? Après la démission de sept rédacteurs en chef et leurs adjoints en début de semaine, le journal enregistre deux nouveaux départs ce vendredi 9 mai : selon Le Figaro, Vincent Giret et Michel Guerrin, les deux adjoints de la directrice Natalie Nougayrède, viennent de quitter leurs fonctions. Face à cette crise, la refonte du quotidien papier a d'ores et déjà été repoussée à la rentrée de septembre. Côté numérique, un projet de quotidien sur tablette s'est heurté à des divergences de vue entre Natalie Nougayrède et l'un des actionnaires du journal, Xavier Niel. Derrière ces choix stratégiques, l'éternelle question de la "consommation" de l'information.
Vous lisez la presse plutôt le matin pour commencer la journée ou plutôt le soir pour vous détendre ? Ecrivez-nous, on transmettra à la direction du Monde. Car au sein du journal, parallèlement à la crise actuelle, des divergences stratégiques sont apparues à propos d'une nouvelle édition numérique, qui s'ajouterait au journal papier et au site web.
A l'origine, plusieurs groupes de travail ont planché sur un projet de quotidien sur tablette disponible le soir à 18h sous la forme d'une édition dite "linéarisée/arrêtée" : en clair, un deuxième journal reprenant la logique de lecture d'un quotidien papier mais sur tablette. Quelle différence avec Le Monde papier, également disponible en PDF sur tablette et mobile ? Selon nos informations, le projet initial d'une édition numérique du soir consistait à résumer les trois grandes actualités de la journée sous forme de dossier avec, en guise de friandises, une petite série de "rendez-vous" : des vidéos, un dessin de presse et quelques conseils télévision/ciné/loisirs qui devaient notamment reprendre une partie du contenu du supplément Télévisions. A la différence du quotidien papier, également disponible sur tablette, ce nouveau quotidien numérique se voulait donc plus léger, sans reprendre le déroulé et les rubriques du quotidien.
Oui, mais voilà, lors du dernier conseil de surveillance du Monde, il y a environ un mois, ce projet, défendu par la directrice, Natalie Nougayrède, a été retoqué par l'un des trois actionnaires, Xavier Niel. Exit le quotidien du soir, le fondateur de Free veut un quotidien sur tablettes du matin. Pourquoi ? D'abord parce que Niel a considéré que ce nouveau quotidien numérique du soir entrait en concurrence frontale avec le quotidien papier, également disponible en PDF. Deux supports proposés aux lecteurs au même moment ? Pour l'actionnaire, les lecteurs se seraient retrouvés avec davantage de contenus, potentiellement redondants, avec seulement 8h de décalage. En outre, Niel a estimé que cette nouvelle édition, uniquement sur tablette, était une erreur en écartant la lecture sur mobile.
Résultats ? Niel a demandé à Nougayrède de revoir son projet, avec une édition numérique du matin sur smartphone et tablette, que le lecteur pourrait lire dans les transports, même sans réseau. Objectif ? Faire concurrence aux quotidiens du matin. Mais comme il est difficile de résumer l'actualité d'une journée dès le matin comme le préconisait la première version du projet, il a fallu tout recommencer à zéro. Non sans un certain flou, dans les propos de la directrice. "Quelques jours après le conseil de surveillance, il y a eu une une réunion au cours de laquelle on a eu l'impression que Natalie Nougayrède n'avait pas compris ce que Niel lui avait dit, si la version du Soir était recalée définitivement ou pas", raconte à @si un journaliste du Monde.
Toujours est-il que trois groupes de travail se sont de nouveau penchés sur le projet d'une édition exclusivement numérique. Résultats ? On s'acheminerait vers une édition numérique du matin donnant "les clés de compréhension" de l'actualité du jour. Exemple : si une rencontre entre le président du Medef et les syndicats est prévue à l'agenda, Le "Monde matin" vous en expliquera le contexte. Mais rien n'a encore été tranché. Ni sur le plan éditorial, ni du point de vue de l'organisation interne : oui, car qui dit édition numérique du matin, dit équipe spéciale en horaires décalés. Ce qui n'a pas suscité d'oppositions particulières au sein du journal pour l'instant : vu les secousses actuelles, les journalistes ne sont plus à un changement près.
L'occasion de lire la chronique de Daniel Schneidermann sur la crise du journal : "Le Monde, au révélateur de Berkeley"