Le Monde n'a pas aimé Tintin, et le dit... sur internet

Dan Israel - - Fictions - 0 commentaires

Le Monde n'a pas aimé le

Tintin de Steven Spielberg. Et il l'a dit haut et fort. Mais seulement sur son site. La critique, signée Thomas Sotinel, le chef de service Cinéma du journal, laisse peu de place à l'ambiguïté.

Titrée "Un film qui fait à Tintin ce que la Castafiore fait à l'opéra" (c'est-à-dire, le transforme en supplice pour le spectateur), elle regrette que le Tintin de cinéma soit devenu "plus rapide, plus bruyant, plus malin, plus fort que celui d'Hergé" : "Cette inflation est censée le faire passer du statut de héros de bande dessinée à celui de personnage de cinéma. C'est raté", tranche l'article.


Sévère, Sotinel estime que sous le "vacarme" du film, "il n'y a rien : ni nostalgie pour un univers qui reste parfaitement étranger au metteur en scène (…) ni envie d'emmener un héros inconnu dans un autre univers". Bilan : Le Monde n'accorde au film qu'une étoile sur trois.

Prise de position intéressante, voire courageuse, eu égard au tapage promotionnel autour du film, mais aussi à l'attente qu'il suscite auprès des fans ? Sans doute, mais ce jugement sévère a de très fortes chances de passer inaperçu pour une bonne partie du public. Diffusée en intégralité sur le site, la critique n'a en fait droit dans le journal papier qu'à un résumé de quelques lignes, dans une minuscule notule reléguée en dernière page de la rubrique Cinéma.

Car surprise : l'article qui traite du film dans le journal papier, sur une demi-page,  n'est pas une critique classique. C'est un texte du cinéaste Bruno Podalydès, tintinophile notoire, qui a lui aussi vu le film pour Le Monde. Et, s'il n'est pas à proprement parler positif, le texte de Podalydès ne parle pas de ratage, à l'inverse de celui du journaliste. Le cinéaste regrette surtout de ne pas retrouver dans ce film le Tintin de son imagination, ou des BD : "Je vois mal Tintin accrocher ses exploits et encore moins, très vite et très familièrement, au premier bruit suspect, dégainer son gros flingue ! Mais la " ligne claire ", c'est aussi le scénario : et là, le film s'embarque vite dans les montagnes russes.(…) Pourquoi, tout d'un coup, passer d'une scène de flibuste au désert du Crabe aux pinces d'or ? Je ne comprends pas un tel déraillement." Clairement, le réalisateur n'a guère aimé le film. Mais il ne le dit pas de cette façon. Il est plus prudent : "En sortant, on se dit qu'on a rêvé de Tintin et qu'on a couru après un type qui lui ressemblait à la fête foraine du coin. C'est ce que j'ai cru voir dans ma propre confusion et le sourire perplexe de mes voisins spectateurs."

Pourquoi ce choix surprenant du Monde ? Faut-il y voir une volonté de camoufler le peu de goût de la rédaction pour ce film tant attendu ? Pas du tout, assure Thomas Sotinel. Interrogé par @si, il indique "qu'il n'y a pas d'anguille sous cette roche-là" : "Simplement, connaissant la passion de Bruno Podalydès pour Tintin, je lui avais demandé de voir le film pour nous, explique-t-il. Et quand j'ai lu sa critique, j'ai jugé qu'elle était assez proche de la mienne, et que publier les deux ferait doublon." Il reconnaît cependant que le texte publié dans le journal papier est moins virulent, "parce que les cinéastes sont en général plus indulgents : ils savent que faire un film, c'est difficile !"

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