Le Monde : journaliste boycottée par Le Drian
Anne-Sophie Jacques - - Silences & censures - 0 commentairesLe ministre de la défense Jean-Yves Le Drian boude
une journaliste du Monde. Elle proteste aujourd’hui contre cette mise à l'écart qui dure depuis près d’un an. En cause : un article de février 2016 sur la guerre secrète menée en Libye par la France - un secret de pacotille écrivions-nous à l'époque.
Comme s’en émeut le directeur du quotidien Jérôme Fenoglio dans un billet paru samedi 21 janvier, "la journaliste chargée de la rubrique défense du Monde, Nathalie Guibert, fait l’objet de mesures d’exclusion de la part du cabinet du ministre de la défense. […] Le service de presse du ministre n’a jamais fourni d’explication de fond à cet ostracisme qui, au sein de notre rédaction, vise exclusivement Nathalie Guibert, alors que celle-ci, en poste depuis sept ans, a eu des relations professionnelles normales avec l’institution jusqu’au début 2016". De fait, depuis cette date, la journaliste se voit refuser toutes demandes de reportages ou d’entretiens avec le ministre et – preuve ultime de cette mise au ban – elle n’a pas été conviée aux vœux de Le Drian vendredi dernier.
Que s’est-il passé début 2016 ? Fenoglio émet une hypothèse : "cette exclusion a commencé après la publication d’un article, en date du 25 février 2016, révélant plusieurs aspects de la guerre non déclarée conduite par la France en Libye". La journaliste assurait alors que, contrairement aux déclarations du ministre de la Défense qui assure privilégier une "solution politique" en Libye, la France mène bien dans ce pays une "guerre secrète". Et d’en décrire les modalités.
Cet article n’a pas du tout plu à Le Drian, même si, comme nous le racontions ici, les infos du Monde étaient un secret de polichinelle. En effet, ces informations sont facilement accessibles pour qui sait les chercher, et les interpréter. N'empêche : quelques heures après la publication des révélations du quotidien, Le Drian a assuré qu'une enquête pour "compromission du secret de la défense nationale" a été confiée à la Direction de la protection et de la sécurité de la défense, la DPSD, autrement dit le service de renseignements interne au ministère de la Défense chargé de veiller à ce que les secrets militaires français restent des secrets.
Or, si on en croit le billet du directeur du Monde, "le parquet de Paris n’a jamais été saisi d’une telle enquête, qui relèverait du pénal". Conclusion : "les déclarations du ministère, suivies d’une seule investigation interne auprès d’éventuelles sources du Monde, peuvent donc s’apparenter à une manœuvre d’intimidation. Et la mise à l’écart de notre journaliste, à une mesure de rétorsion".
>> L’occasion de lire notre article Le Drian lance ses services secrets à la chasse aux sources du Monde