Le Monde, et la note-mystère de NKM

Le Monde a-t-il demandé une note à Nathalie Kociusko-Morizet sur le travail de sa journaliste, Béatrice Gurrey ? C'est ce qu'affirme la candidate UMP à la mairie de Paris. Vincent Giret, directeur délégué du quotidien dément avoir demandé cette note, dont il a toutefois été le destinataire.

Au départ, c'est l'histoire banale de la pression sur un journal d'une candidate en mauvaise posture. Cela se passe le mercredi 19 février sur le plateau de LCP-AN. La candidate UMP à la mairie de Paris, Nathalie Kociusko-Morizet, attaque frontalement Béatrice Gurrey, la journaliste du Monde chargée de suivre sa campagne. C'est le Lab d'Europe 1 qui le premier relève l'attaque. Que dit NKM ? "Evidemment, si vous lisez toute la journée les articles de Madame Gurrey, dans Le Monde, vous vous dites : "wahou, quel acharnement". Mais (...) c'est une journaliste qui est manifestement la 21e tête de liste de Madame Hidalgo à Paris. Bon ben ça va, on a compris, c'est tous les jours qu'on y a droit."

Là-dessus, évidemment Le Monde réagit. "Nous condamnons l'attaque personnelle de Nathalie Kosciusko-Morizet à l'encontre de notre journaliste, Béatrice Gurrey. La dureté de la campagne ne justifie en aucun cas des dérapages de la part des candidats. Le Monde assure sa couverture, à Paris comme ailleurs, avec ses règles habituelles, en toute indépendance", écrit ainsi dans le journal, Vincent Giret, directeur délégué des rédactions.

Même les actionnaires s'y mettent. Sur Twitter, Pierre Bergé se fend de deux tweets, tandis qu'interrogé sur BFM TV, Xavier Niel insiste sur l'énervement des candidats. "Les candidats sont en campagne, il y a un peu d'énervement. Ce sont des mots qui seront oubliés dans quelques jours. Tout le monde est énervé, mais personne ne remet en doute l'objectivité des journalistes du Monde", déclare ainsi Niel. Fin de l'acte 1.

Problème : le lendemain, Le Lab d'Europe 1, encore lui, publie un mail incendiaire signé NKM et destiné à la direction du Monde. Dans ce courriel, la candidate UMP à la mairie de Paris réitère son attaque contre Gurrey, mais surtout affirme que Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde et Vincent Giret lui ont déclaré "être conscients du problème". Ils lui auraient même demandé une "note détaillée sur le sujet". Note que NKM aurait fait parvenir au Monde. Le mail de NKM à la direction du Monde, publié par le Lab d'Europe 1

Ainsi, selon NKM la direction du Monde se serait désolidarisée de sa journaliste. "Jamais" répond Giret, interrogé par le Lab, Il ajoute : "NKM fait part publiquement d'un mail qu'elle a elle-même écrit. Je n'ai pas pour habitude de communiquer sur des messages privés qu'on m'envoie. Cette stratégie témoigne d'une fébrilité certaine. NKM mène un très mauvais combat.J'ai dénoncé les attaques personnelles dont Béatrice Gurrey a été la victime. Elle a tout le soutien de la rédaction et continue d'exercer son métier en totale indépendance."

@si a lui aussi mené sa petite enquête. Selon nos informations, Giret a pourtant bel et bien été destinataire de cette note, et l'a même transférée à quelques journalistes du service France, notamment à Luc Bronner qui dirige la rubrique. L'a-t-il demandée à NKM ? "Jamais nous n'avons demandé quoi que ce soit à NKM" assure Giret, qui dans un premier temps affirme, comme il l'a fait au Lab, ne pas avoir eu connaissance de cette note. Contactée également Gurrey ne souhaite pas faire de commentaire. Tout comme Luc Bronner, chef du service France. Mais quelques minutes plus tard, Giret reprend contact avec @si. "Lorsque le Lab et vous-même m'avez téléphoné j'ai fait une recherche dans mes mails et je n'ai pas retrouvé cette note, explique le directeur délégué des rédactions. J'ai donc appelé Luc Bronner qui m'a confirmé que je la lui avais bien transférée. Je l'ai fait sans la lire, comme de nombreuses fois par jour lorsque je forwarde des mails aux différents chefs de service". Il conclut : "NKM lance cette campagne pour déstabiliser Le Monde, comme le font souvent les politiques. Béatrice Gurrey a évidemment tout notre soutien". Fin de l'acte 2. Demain l'acte 3 ?

Le Monde vit des moments compliqués. Pour lire notre enquête sur la réorganisation numérique du quoditien qui passe très mal auprès des salariés, c'est là.