Le général Hollande à Strasbourg
Daniel Schneidermann - - 0 commentairesEt hop, retour en grâce. Rien de palpable, rien de tangible, un air du temps.
Mais tout de même. Hollande s'adresse hier au Parlement européen. Que dit-il ? Sur le fond, rien de très neuf. Qu'il est opposé à toute baisse des budgets communautaires (applaudissements, peu étonnants, sur tous les bancs). Que l'austérité ne suffira pas à sortir de lacrise, et éviter la récession. Que certains (suivez mon regard vers l'Allemagne) feraient mieux de relancer leur demande intérieure, plutôt que de se serrer la ceinture, et d'exporter comme des forcenés. Bref, rien de très neuf. Le sempiternel discours français à l'égard de l'Allemagne, qu'il soit chuchoté ou proclamé.
Mais, ô surprise, la rumeur générale est élogieuse. Voici un mois, le même discours aurait été accueilli, par l'éditocratie française, par un mur de scepticisme poli. Qu'est-ce donc qui a changé en un mois ? Le chapeau de l'article de Libé vend la mêche: "Porté par le succès de l’opération au Mali, le président français a clarifié sa position sur l’avenir de l’Union devant des eurodéputés enthousiastes". Voilà. Comme le claironnait Bernard Guetta sur France Inter au début de la semaine, les diplomates étrangers, depuis quelques jours, "nous parlent autrement". Et un sondage de popularité, publié hier, et indiquant un regain de popularité, emballe l'ensemble. C'est donc parce que l'Armée française a libéré Tombouctou, que Merkel et Cameron sont présumés, par les journalistes français, devenus impressionnables par la parole de la France. La crédibilité, la popularité, engrangées par la campagne, pour l'instant victorieuse, de l'Armée française, sont présumées transposables sur le champ de bataille de la guerre économique.
C'est évidemment absurde, et Christopher Viebacher est un ennemi autrement coriace que les terroristes du Nord Mali. Qui est Viebacher ? Je vois que vous n'avez pas encore lu la chronique de notre éconaute, qui raconte comment l'actuel patron de sanofi a transformé la multinationale française du médicament, en simple machine à faire du profit, au détriment de ses missions premières, et en dépit de toutes les soufflantes montebourgiennes. Absurde, mais instructif, tant cet emballement irraisonné a le mérite de rappeler, à ceux des Français qui n'ont pas connu personnellement Bonaparte, Pétain ou Boulanger, les mécanismes inconscients du prestige des armes, et de l'illusion, étrangement toujours vivace en ce nouveau millénaire, selon laquelle les chefs de guerre prestigieux font les meilleurs dirigeants politiques.