Le Français est républicain et royaliste, Paris Match en fait son beurre
Alain Korkos - - 0 commentaires
Dans un article paru le 9 mai dernier sur son blogue, André Gunthert évoque le sacre et le pipole. Autrement dit, la photo triomphante de François Hollande à la une de Paris Match :
"Avant même la parution du magazine, je savais que celui-ci allait utiliser une image du couple -et pas seulement parce que Valérie Trierweiler est membre de la rédaction", écrit-il. Eh bien oui, la France entière s'en doutait, l'attendait. Car la France entière feuillette Paris Match dans la salle d'attente du médecin, du dentiste.
(On remarquera en passant le sous-titre : L'homme qui croyait en son destin, reprise de L'Homme qui murmurait à l'oreille des chevaux ou encore Le Vieux qui lisait des romans d'amour ; la presse aime bien copier des titres célèbres.)
Ensuite, Gunthert évoque fort justement toutes ces couvertures de Paris Match qui nous ont, au fil des années, montré des présidents vainqueurs d'élections accompagnés de leur épouse. De Gaulle, Kennedy, Pompidou, Giscard, Mitterrand, Balladur (cherchez l'erreur !), Chirac, Sarkozy :
Il oublie le président Vincent Auriol qui n'a point démérité mais celui-ci fut élu en 1947 alors que Paris Match n'existait pas encore, ce magazine vit le jour en 1949 et cette une date du 31 mars 1951 :
Il cite bizarrement cette couverture du 8 mai 1995 sur laquelle le couple Mitterrand fait ses adieux à l’Elysée :
"Là encore, dit-il, une variante d’inspiration dynastique". Une inspiration dynastique dans des adieux ? La chose est difficile à comprendre car les abdications ont ordinairement lieu en l'absence de l'épouse du souverain déchu :
Napoléon Ier à Fontainebleau après l'abdication
d'après Georges Cain, 1814
Mais il y a sans aucun doute un petit goût de royauté dans les couvertures précédentes, oui, et Gunthert nous rappelle que la reine Elizabeth avait également eu les honneurs de la une en compagnie de son époux, tout comme le Shah d'Iran et Farah Dibah :
On pourrait en citer d'autres, la reine Juliana de Hollande et son époux, par exemple :
Quand François Hollande (applaudissons l'enchaînement subtil) paraît à la une de Match avec sa compagne, c'est comme une nostalgie des fastes de la royauté qui s'exprime. Alors certes, il n'a pas le costume d'opérette à épaulettes dorées constellé de larges médailles. Mais il est au-dessus du peuple de France, qu'il remercie :
Et bizarrement, c'est Le Monde qui aura le plus insisté sur ce point en privilégiant un plan large incluant la foule, au-dessous du nouveau monarque (ce que Match évite en vertu d'une autre approche : la royauté ne se mélange pas avec le peuple) :
Le Français est républicain et royaliste. En même temps. Et Paris Match se vend bien.
Toutes les couvertures de ce magazine ont été dénichées par Gunthert et votre serviteur grâce à la galerie flickr de Patrick Pecatte qui a réuni les couvertures disponibles sur deux sites : celui de Paris Match et celui de revue2presse.fr. Mais surtout, il leur a associé des mots-clés permettant la recherche et pour cela il doit être grandement remercié.
Quant à nous, chez @si, nous avons un moteur de recherche vivant spécialisé dans les couvertures du Point et de L'Express consacrées aux francs-maçons. Il s'appelle Sébastien Rochat, son oeuvre est par là (entre autres).
L'occasion de lire ma chronique intitulée L'ambition de Guéant trahie par les photos de Match ?où l'on voit que les hommes politiques d'hier et d'aujourd'hui ont un goût prononcé pour les livres et les drapeaux.