Le conclave de Dijon
Daniel Schneidermann - - 0 commentairesQue dans les hautes sphères de l'Etat, on croie encore à la magie
, le "déplacement présidentiel en province" en offre périodiquement l'illustration. On peut moquer la pompe du conclave, le ballet pourpre des cardinaux place Saint Pierre, la République laïque ne fait rien d'autre: offrir une image pieuse -celle du président accessible au peuple- à l'adoration des fidèles. Les images de la première journée de Hollande en Bourgogne auront été totalement réussies, contrastant parfaitement avec celles des escadrons de gendarmerie, des bataillons de CRS, qui encadraient les sorties "sur le terrain" du prédecesseur. S'y ajoute l'accent mis sur la durée de la visite. Imaginez: deux jours pleins, et une nuit dans une vénérable relique: le lit de Charles de Gaulle. C'est dire si l'immersion aura été complète, le président allant jusqu'à confier le Sommeil Suprême à la nuit bourguignonne.
Evidemment, une poignée de trublions gueulards ont été prestement évacués, sous l'oeil attentif des envoyés spéciaux. On sait d'avance que les JT y consacreront la proportion réglementaire (entre le tiers et la moitié) de leurs reportages du soir. Transmetteurs de l'image magique, les JT doivent garder la crédibilité du messager, qui ne se confond pas avec l'auteur du message. Mais cela vient finalement confirmer, a contrario, que l'on n'avait pas interdit aux trublions d'accéder au cortège.
Le plus notable sur les images, c'est ceux que l'on n'y voit pas: gardes du corps et ministres. Les gardes du corps se cachent, ils savent le faire, ils le faisaient sous Sarkozy (on vous l'avait raconté en détail ici), ils continuent à le faire sous Hollande. L'absence totale de tout ministre est plus intéressante. Ainsi l'Elysée tente de dissocier l'image du président, au-dessus des contingences politiciennes, de celle du gouvernement, qui grapille milliard après milliard, écorne les retraites et la protection sociale, enterre promesse après promesse, dans l'application d'une austérité sans fin. Au président les ballons de vin de messe au cassis dans les bistrots dijonnais. A Cahuzac, Montebourg et Moscovici les couacs, et l'administration de la douleur. Ca peut marcher un certain temps, si l'on décide de croire à la magie.
(Photos Le Bien public)